D EPUIS trente cinq ans, on sait que, dans deux régions du cerveau des animaux adultes - noyau dentelé de l'hippocampe et bulbe olfactif -, il existe un renouvellement constant des cellules nerveuses. Ce phénomène a été qualifié de neurogenèse. Jusqu'à présent, la plupart des travaux sur ce sujet ont porté sur l'effet de l'apprentissage, des hormones, des crises d'épilepsies, de l'activité physique et de l'environnement sur la naissance de nouveaux neurones dans l'hippocampe de rongeurs adultes. Si ces phénomènes tendent à induire la production de neurones, en revanche, les phénomènes de neurogenèse semblent diminués par le stress, un environnement non stimulant et probablement par la dépression.
Les applications thérapeutiques de la neurogenèse pourraient être nombreuses : remplacement de cellules dans des maladies neuro-dégénératives, accidents vasculaires cérébraux ou traumatismes médullaires. Déjà, des premiers travaux ont montré qu'il est possible d'induire la naissance de neurones dans des régions du système nerveux central autres que l'hippocampe ou le bulbe olfactif et que ces neurones peuvent se connecter à distance avec d'autres cellules du système nerveux. Mais avant d'envisager le développement de techniques palliatives fondées sur la neurogenèse, il convient de mieux comprendre le rôle exact de ces néoneurones et leur interaction avec les circuits neuronaux préexistants. C'est ce qu'a cherché à préciser une équipe de neurologues du New Jersey (université de Princeton) dirigée par le Dr Tracey Shors.
Apprentissage chronologique
Pour cela, les chercheurs se sont attachés à caractériser le rôle des néoneurones sur certains phénomènes d'apprentissage chronologiques (trace mnésique) qui impliquent, à l'état physiologique, l'hippocampe. Dans un premier temps, les chercheurs ont soumis des rats à un stimulus auditif neutre qui précédait systématiquement un stimulus douloureux au niveau de la paupière. Les investigateurs ont confirmé la mémoire du stimulus douloureux en soumettant les rats exclusivement au bruit, ce qui produisait un clignement des paupières réflexe. Ce type de mémoire est directement sous la dépendance des neurones de l'hippocampe.
Ils ont ensuite injecté à d'autres animaux un produit, le methylazoxymethanol (MAM), qui possède la particularité de bloquer la prolifération cellulaire en général, et en particulier au niveau de l'hippocampe. Par un dosage biologique de l'ADN, les investigateurs ont montré une réduction de 80 % de la neurogenèse au niveau de la zone anatomique étudiée.
Composante douloureuse
En répétant le même type d'expérience de stimulation associant une composante neutre et une composante douloureuse, l'équipe du Dr Shors a constaté que les rats traités par MAM perdent leurs réflexes de clignement quand ils sont soumis exclusivement au bruit. En revanche, lorsque les animaux étaient testés pour un type de mémoire ne faisant pas appel aux neurones hippocampiques, aucune différence n'était notée après injection du MAM.
Pour les auteurs, « ce travail donne une première piste sur le rôle des neurones néoformés et sur leurs interactions avec les circuits neuronaux pré-existants ». Dans un éditorial, le Dr Jeffrey Macklis (Harvard, Boston) précise néanmoins que l'utilisation d'une substance aussi toxique que le MAM, qui interagit avec l'ensemble des cellules en division, pourrait induire un stress, phénomène qui, on le sait, tend à affecter les capacités de mémorisation. Par ailleurs, cette substance pourrait aussi interférer de façon préférentielle avec certains types de mémoire tels que la mémoire temporelle ou chronologique et affecter de façon moindre les autres capacités mnésiques.
« Nature », vol. 410, pp. 314-315 et 372-375.
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