La résistance de la droite

Publié le 15/03/2001
Article réservé aux abonnés

U N des résultats les plus intéressants du premier tour des municipales, c'est que la droite parlementaire, si mal partie dans la bataille, a fort bien résisté. Et on se demande quel aurait été son score si elle était unie.

Bien entendu, une comptabilisation des voix à l'échelle nationale, dans le contexte des municipales, n'est pas vraiment significative. Mais elle donne un bon aperçu du rapport de forces. En 2001, la droite démocratique a recueilli 45,24 % des suffrages contre 43,13 % à la gauche gouvernementale ou plurielle. Cependant, par rapport aux municipales de 1995, la gauche progresse de près de quatre points, contre moins d'un point de progression pour la droite.

La détresse des électeurs de droite

On imagine la détresse de l'électorat de droite au cours des lamentables marchandages qui ont eu lieu entre les deux tours, entraînant une confusion qui envoie un message plus qu'obscur sur la façon de voter au second tour. Alors que l'opposition, en dépit d'un recul relatif par rapport à 1995 (elle n'a pas attiré un nombre assez élevé des suffrages qui allaient autrefois à l'extrême droite), se maintient globalement, à peine entamée par la dissidence de Charles Pasqua et moins dévaluée par ses querelles que la gauche veut bien le dire.
Dans toutes les villes où il y a ballottage, Paris, Lyon et Toulouse notamment, la droite aurait dû promptement oublier ses différends et se regrouper, peut-être à n'importe quel prix. Ses électeurs lui en auraient été plus reconnaissants qu'ils ne le sont aujourd'hui à l'égard d'un Philippe Séguin qui porte sa vertu en sautoir. Il est vrai que M. Séguin a eu affaire, avec Jean Tiberi, à un adversaire tortueux et compliqué qui a émaillé ses offres de fusion d'un torrent d'injures, lancées non pas en direction de la gauche, mais du RPR. Comment réaliser l'union avec quelqu'un dont les vœux exprimés ne sont pas du tout au diapason de son acrimonie, d'une rage mal contenue et de critiques si virulentes que la mariage qu'il propose semble raté avant la noce ?
En outre, la suite a donné raison à M. Séguin, qui a tenu bon et contraint n'avaient pas une chance de passer le M. Tiberi à retirer un certain nombre de ses listes, sinon toutes celles qui second tour.
Il demeure que, si la droite est déchirée, c'est principalement à cause des « affaires ». Elles ont éclaboussé beaucoup de monde, y compris M. Tiberi, qui n'en pas a trop souffert, puisqu'il a recueille quand même bon nombre de voix. Or il est temps de prendre en compte une réalité irrécusable, à savoir que les « casseroles » traînées par quelques candidats ne paraissent pas diminuer leur popularité. L'électorat de droite ne s'en laisse pas conter par les commentaires sarcastiques des socialistes. Il reste fermement dans son camp. C'est ce qu'on devrait se dire au RPR, où l'on a voulu écarter M. Tiberi parce qu'il représente un passif. Mais qui peut jurer aujourd'hui que, si on l'avait laissé mener sa barque à sa guise et avec la bénédiction du parti, il n'avait pas une chance d'être élu maire de Paris ?
Tout le monde aura constaté en effet que, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Patrick Balkany, au terme d'une courte période d'inéligibilité, est en passe de reconquérir la mairie. Qu'à Béthune, le socialiste Jacques Mellick est accueilli en héros par ses mandants, lui aussi après une traversée du désert qu'il devait à un faux témoignage en faveur de Bernard Tapie. Il a battu le candidat « officiel » mandaté par le PS, M. Seux, qui, toutefois, s'est maintenu pour le deuxième tour et peut encore lui réserver une mauvaise surprise. Et ce ne sont que les cas les plus visibles.
Si, pour un homme ou une femme politique, être mis en examen, puis condamné, n'est pas la fin du monde, pourquoi les partis politiques n'en prendraient-ils pas acte ? A quoi sert une rigueur - toute formelle, car ceux qui s'indignent le plus bruyamment ne sont pas nécessairement exempts de reproches - qui conduit à la défaite ?
On nous rétorquera - non sans raison - qu'une telle analyse relève du cynisme. Mais elle fait la meilleure part à l'électeur qui apparaît, au fond, comme le juré populaire le plus indulgent. Les gens écœurés par les « affaires » s'abstiennent ou passent (rarement) dans l'autre camp. Les autres jaugent le candidat selon ses qualités et, dans le cas où il brigue une réélection, sur le travail qu'il a accompli. Et, comme cela a été dit si souvent depuis quatre ou cinq jours, l'électorat des municipales n'aime pas les « parachutés », ou en tout cas assez peu souvent pour qu'un mouvement politique ne se croie pas obligé de remplacer un candidat qui a maille à partir avec la justice par une figure nationale qui sera forcément soupçonnée de ne rien entendre aux problèmes de la ville où il se présente.
En d'autres termes, il ne faut pas confondre justice et mandat électif. Ce sont deux choses tout à fait différentes, peut-être pas dans l'esprit, qui militent pour la rigueur en politique, mais dans celui de l'électorat.

Une gauche unie

On aura remarqué que la gauche gouvernementale, qui a ses propres problèmes et n'est pas un bloc idéologiquement compact, a su, entre les deux tours, regrouper ses forces par des négociations parfois serrées, mais avec des concessions entre les uns et les autres. Ce serait bien le diable si elle perdait les municipales. Mais si elle les gagne, la droite devra cette fois se souvenir que, en dehors de l'union, il n'y a point de salut. Et que le rythme de l'alternance ne sera satisfaisant (du moins en ce qui la concerne) que si elle se décide à faire front commun contre la gauche pour les deux prochaines échéances électorales.

Richard LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6878