Douleur thoracique aiguë

Le coroscanner, au cœur de l’urgence

Publié le 19/10/2015
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Crédit photo : Courtoisie Dr Sablayrolles, centre cardiologique du Nord, Saint-Denis, France

Crédit photo : Courtoisie Dr Sablayrolles, centre cardiologique du Nord, Saint-Denis, France

Crédit photo : Courtoisie Dr Sablayrolles, centre cardiologique du Nord, Saint-Denis, France

Scanner cardiaque (triple rule out) en urgence pour douleur thoracique aigüe (256 coupes,...

Scanner cardiaque (triple rule out) en urgence pour douleur thoracique aigüe (256 coupes,...
Crédit photo : Courtoisie Dr Sablayrolles, centre cardiologique du Nord, Saint-Denis, France

Les consultations aux urgences pour douleur thoracique sont fréquentes et coûteuses. Le syndrome coronarien aigu (SCA) repose sur une définition clinique, et sa prise en charge immédiate est codifiée par un consensus international. L’IRM est utile en semi-urgence dans les syndromes coronaires aigus à « coronaires saines » (coronarographie en urgence sans sténose), pour le diagnostic de myocardite aiguë ou d’infarctus reperfusé. Le scanner cardiaque ou coroscanner a bénéficié des progrès technologiques, comme l’amélioration de la résolution temporelle et les larges couvertures qui autorisent sur les machines de dernière génération des acquisitions en moins d’un battement cardiaque (voir illustration). Surtout, les 64 coupes sont devenues la référence et les publications récentes ont mis en valeur l’apport du coroscanner dans la douleur thoracique aiguë chez un patient à risque faible ou intermédiaire de maladie coronarienne selon les scores cliniques (85 % des patients).

Éliminer une origine coronaire

Le coroscanner présente en effet une valeur prédictive négative élevée, supérieure à 98 % dans toutes les séries incluant des 64 coupes ou plus, permettant d’exclure une origine coronaire en cas d’examen normal. Ces données de confrontation avec la coronarographie ont été confirmées cliniquement, par l’absence de survenue d’événements cardiaques majeurs chez les patients avec un coroscanner normal. Un article très récent du Lancet souligne la pertinence du coroscanner dans la prise en charge de l’angor stable (étude prospective randomisée multicentrique Scot-Heart, 12 centres, 4 146 patients, suivi 1 à 7 ans).

Les nouvelles recommandations de 2013 sur l’angor stable confirment la place grandissante de cette technique dans la prise en charge des patients, puisqu’elles préconisent le coroscanner en première intention chez les patients à risque faible ou intermédiaire (risque estimé entre 15 et 50 %), en incluant les syndromes coronaires aigus à risque faible. De nombreuses études, réalisées principalement aux États-Unis, ont montré l’intérêt médicoéconomique d’une prise en charge associant coroscanner en urgence par rapport à la prise en charge classique avec hospitalisation et examens non invasifs comme la scintigraphie myocardique dans un deuxième temps.

Sélections des patients

Cette nouvelle stratégie de prise en charge ne peut se concevoir qu’en collaboration étroite avec les cardiologues, comme cela est préconisé par la charte signée entre les deux sociétés savantes françaises de radiologie et de cardiologie. Le coroscanner est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère, d’antécédent allergique grave aux produits de contraste iodés, de grossesse ou d’impossibilité à maintenir une apnée, et il sera moins performant en cas d’obésité sévère, d’arythmies mal ralenties (selon l’appareillage) ou de calcifications coronaires extensives.

Un coroscanner normal autorise la sortie du patient en réduisant la durée d’hospitalisation et le coût de prise en charge sans augmenter la morbidité. Un coroscanner très pathologique (sténose serrée critique) justifiera une coronarographie en urgence et un examen intermédiaire ou douteux une hospitalisation pour surveillance et bilan complémentaire (illustration ci-contre).

Deux types de protocoles peuvent être discutés en urgence : un coroscanner seul ou un angioscanner cardiaque et thoracique, qui permet, en plus d’une exploration coronarienne, de rechercher une embolie pulmonaire, une lésion de l’aorte thoracique ou une autre pathologie intrathoracique douloureuse. Ce dernier protocole, dit « triple rule-out », doit être réalisé chez des patients sélectionnés et non de principe. En effet, même si les performances sur les artères coronaires sont excellentes avec un protocole adapté, et a fortiori avec les nouveaux scanners ultrarapides, la fréquence des embolies pulmonaires et des syndromes aortiques détectés est très faible en pratique sans sélection clinique pertinente.

Un gatekeeper de la coronographie

Au-delà de la sténose, il semble que les caractéristiques de la plaque au scanner sont prédictives d’un syndrome coronaire aigu devant une douleur thoracique aiguë (densité ‹ 60 U.H., remodelage positif, calcifications punctiformes, plaque longue). Ces informations nouvelles sur la plaque et le développement des techniques de perfusion myocardique (au repos à la phase aiguë et sous stress au décours) avec les nouveaux scanners à large couverture devraient optimiser dans un futur proche le rôle de cette imagerie en tant que filtre (gatekeeper) pour la coronarographie (significativité des sténoses intermédiaires, étendue de l’ischémie, détermination de la lésion coupable).

Une nécessaire formation

La communauté radiologique doit se former à cette technique d’imagerie cardiaque non invasive, ce d’autant que des connaissances minimales en imagerie cardiaque sont maintenant indispensables pour interpréter un scanner thoracique, qui devient cardiothoracique avec les scanners ultrarapides de dernière génération. Une maîtrise des techniques d’acquisition est indispensable pour limiter l’irradiation. Les sociétés savantes radiologiques françaises (SFR, SFICV) sont fortement impliquées dans cette formation : enseignements, comptes rendus types en ligne, recherche, collaboration étroite avec la société française de cardiologie et la société européenne de radiologie cardiaque (ESCR).

Hôpital américain, Paris
Olivier Vignaux

Source : Bilan spécialiste