LE QUOTIDIEN - Pensez-vous que la journée « santé vivante », sans fermeture des cabinets mais avec des actions locales sporadiques, ait été une opération efficace pour faire avancer vos revendications ?
Dr JEAN GRAS - C'est une action décidée par le Centre national des professions de santé, qui visait à sensibiliser les élus locaux et à dialoguer avec nos patients afin d'obtenir leur adhésion. Après la journée « santé morte » puis la semaine « santé morte », il fallait changer d'habit pour continuer le dialogue et expliquer que rien n'est réglé. Est-ce efficace ? Sans doute, mais c'est une démarche de longue haleine. Cela dit, le calendrier est mal tombé. Avec la fièvre aphteuse et la Journée de la femme, notre opération n'était vraiment pas la première préoccupation des Français.
A titre personnel, vous êtes, depuis quelques mois, le plus fervent partisan de la fermeture pure et simple des cabinets médicaux. Vous avez même dit que les médecins ne devaient plus avoir peur de gêner leurs patients. Est-ce toujours votre avis ?
Oui, même s'il faut adapter l'argumentaire à la situation donnée. Récemment, chaque fois qu'on a interrogé l'opinion publique juste après les mouvements de grève des différents corps de métier, on a constaté que 65 % des gens approuvaient les grévistes. C'était aussi le cas après la semaine « santé morte » de décembre. La cessation d'activité a donc une utilité. Cela dit, il faut varier les modalités d'action, car il y a toujours un risque de lassitude. C'est vrai aussi que la grève n'est pas dans la culture médicale, que les médecins n'aiment pas abandonner leur cabinet et qu'il est impossible de dire qu'on lance un mouvement dont la finalité est « d'emmerder » les patients. Mais quand on est contraint d'en arriver là, il n'y a pas d'autre solution.
Cette concertation officielle, nous l'avons dit, est un non-événement. Je n'ai pas changé d'avis. La FMF a reçu une convocation pour le 19 mars de la part du comité des sages
(qui est chargé par Elisabeth Guigou de la mission sur l'évolution de la médecine de ville)
. En ce qui concerne notre participation à des travaux, il y aura une décision commune avec le SML(Syndicat des médecins libéraux)
et la CSMF(Confédération des syndicats médicaux français)
. Pour ma part, je pense qu'il s'agit d'une main tendue par le gouvernement non pas pour passer le gué mais plutôt pour prendre un long chemin de dérivation et passer tranquillement les diverses échéances électorales. Que le gouvernement arrête de prendre les médecins pour des gogos. Depuis 1996, le corps médical a été bafoué : en dehors de mesures punitives, c'est le silence radio. Nous avons été régulièrement roulés. Aujourd'hui, il est impossible d'y croire sans un signe fort. Le gouvernement et les caisses doivent absolument donner des gages immédiats aux médecins, sinon je crains qu'aucune concertation ne soit possible.La seule suspension par Elisabeth Guigou du mécanisme des lettres clés flottantes suffirait-elle pour renouer le dialogue avec les médecins ?
C'est évident. Au cours du « Grenelle de la santé » du 25 janvier, la ministre a eu le tort de refuser d'accorder le moratoire sur les lettres clés flottantes que les médecins réclamaient. Mais à la fin de cette réunion, nous sommes allés la voir, et elle nous a déclaré : « Ça vraiment, je ne peux pas le faire. » Donc, elle n'est pas totalement libre. Je pense que les députés socialistes, Claude Evin et Jean Le Garrec notamment, ont aussi orienté sa position. Pour l'instant, dans les faits, il n'y a pas de nouvelles sanctions tarifaires. Mais qu'en sera-t-il demain ?
La très longue campagne électorale qui s'annonce ne va-t-elle pas geler toute réforme ?
On peut craindre effectivement qu'il ne se passe plus rien. Nous allons donc utiliser cette période pour faire du lobbying et pour porter la contestation partout. Regardez ce que font les paysans, les infirmières, les restaurateurs, les déménageurs...
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