V OILA une compagnie qui existe depuis dix-huit ans, une compagnie qui a multiplié les créations et qui est connue du monde entier, mais que la France, par une incompréhensible frilosité des puissances invitantes, ne découvre vraiment qu'aujourd'hui. Peter Brook, grâces lui en soient rendues, avait programmé il y a six ans aux Bouffes du Nord « The Three Lives of Lucie Cabrol », d'après un récit de John Berger.
Avec « Mnemonic », qui se donne pour quelques soirs à la MC93 de Bobigny, c'est l'accomplissement d'une recherche que proposent Simon McBurney et ses amis. Un travail exceptionnel, maîtrisé, personnel, original et joué avec une précision et un brio remarquables. C'est intelligent, passionnant, beau, émouvant, divertissant, profond, grave, drôle, c'est à voir de toute urgence. Et que ceux qui ne maîtriseraient pas la langue de Shakespeare se rassurent : les surtitres, très lisibles, sont d'une fidélité parfaite.
Et ça raconte quoi « Mnemonic » ? Ça raconte la vie même et le rapport de chacun au passé, à la mémoire, à travers deux histoires principales qui ne cessent de se croiser, de se superposer, deux histoires principales qui parfois se télescopent, sont données simultanément, se complètent et s'enrichissent mutuellement de mille et une ramifications fascinantes.
Une femme cherche, à travers l'Europe, qui est son père. Arrivée presqu'au but, elle renoncera. Des savants cherchent, à travers le corps d'un homme rendu par les glaces, à savoir qui il était. Deux quêtes sur lesquelles se greffe celle d'un homme que cette femme a quitté et qui ne s'en console pas... Ramifications narratives et sémantiques qui miment les ramifications de cette feuille de lierre remise à chaque spectateur et que Simon McBurney lui-même, en une ouverture qui emprunte au music-hall, demande que l'on tâte dans le noir, un masque sur les yeux. Il se moque lui-même de cette « participation » exigée du spectateur. Mais tout ici a du sens, tout ici fait sens et l'on s'embarque ravi à la suite de sept interprètes remarquables de finesse, de vivacité et qui, en une représentation aussi libre et fluide que précise, nous font ressentir mille et une émotions et nous font réfléchir à bien des mystères, à bien des paradoxes.
Tout ici s'accorde : scénographie, lumières, jeu du texte, jeux des corps, relais des micros parfois, son, tout se donne en une polyphonie d'une inépuisable richesse. Cette « complicité » qui nomme la compagnie de McBurney, il l'instaure immédiatement avec le public. C'est trop rare pour ne pas insister : c'est le spectacle à voir pour se réconcilier pour jamais avec le théâtre !
MC93 de Bobigny, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h 30 le dimanche. Durée : 2 h sans entracte. Spectacle en langue anglaise avec surtitrage (01.41.60.72.72).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature