T RENTE-SEPT pour cent des médecins en activité sont aujourd'hui des femmes. Chez les moins de 35 ans, ce pourcentage est de 55 %. Et il atteint 60 % chez les étudiants en médecine de deuxième année. Bref, la femme est l'avenir de la médecine.
Cette féminisation croissante pose cependant un certain nombre de problèmes en termes de démographie médicale et d'organisation du système de soins. Les spécialistes estiment, en effet, que l'activité professionnelle des femmes est inférieure à celles des hommes, en raison d'un recours plus fréquent au temps partiel. C'est ainsi que 25 % des femmes médecins déclarent travailler à temps partiel alors que ce pourcentage n'est que de 2 % chez les hommes (1). De même, lorsqu'elles exercent à temps plein, les femmes ont une durée hebdomadaire de travail inférieure de dix heures à celles des hommes. Globalement, en médecine libérale, l'activité des femmes est inférieure d'un tiers à celle des hommes, selon des statistiques de la CNAM. Des données que les pouvoirs publics doivent avoir en tête lorsqu'il s'agit d'adapter le nombre de médecins aux besoins de la population. La féminisation devrait en effet les inciter à former davantage de médecins, notamment dans certaines spécialités très féminisées et à adapter les conditions d'exercice.
Dans deux lettres adressées respectivement à Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, et au Pr Bernard Glorion, président du Conseil national de l'Ordre, le Dr Martin-Lebrun, responsable des femmes médecins à la Fédération des médecins de France, formule un certain nombre de propositions pour tenir compte du pourcentage croissant de femmes dans la profession. Elle demande notamment d' « augmenter le nombre d'étudiants en médecine afin de compenser la réduction du temps de travail des futurs médecins ». Elle insiste également sur la nécessité « de prévoir des postes d'internes en nombre suffisant pour compenser les congés maternité, sans pénaliser le fonctionnement des services hospitaliers ».
Pour des cotisations sociales proportionnelles
Elle suggère, par ailleurs, de « modifier le mode de calcul des charges sociales afin de favoriser les cotisations proportionnelles et de diminuer les cotisations forfaitaires ». Un système de cotisations fixes, indépendantes de l'activité des praticiens, pénalise en effet les femmes médecins dans la mesure où leur activité est inférieure à celles des hommes. Ce recours à des cotisations proportionnelles écrit-t-elle au Pr Glorion, pourrait également concerner les cotisations à l'Ordre qui devraient être « proportionnelles aux revenus imposables ».
Dans un autre ordre d'idées, le Dr Martin-Lebrun propose de redéfinir la façon dont sont organisées les urgences. Faisant implicitement allusion aux problèmes de sécurité auxquels peuvent être confrontées les femmes lorsqu'elles effectuent des visites de nuit, la responsable de la FMF reprend des idées très en vogue actuellement et suggère de « créer des lieux de consultations d'urgence (gérés par les libéraux), de limiter les visites à domicile aux seules urgences médicales qui le justifient, de proposer un accompagnant pour les visites à domicile de nuit ».
Au-delà de ces propositions, le Dr Martin-Lebrun conçoit quelque agacement de la manière dont la féminisation de la profession est parfois présentée comme un handicap pour la santé publique. « Nous ne voulons pas, écrit-elle, que la féminisation de la profession soit analysée comme un facteur de dégradation de notre système de soins. »
« Nous ne voulons pas, ajoute-t-elle, travailler comme nos confrères, car l'intérêt majeur de l'exercice médical est la possibilité de moduler notre activité. » Et pour que les choses soient bien claires elle conclut :
« Ne plus travailler soixante heures par semaine ne peut qu'améliorer la qualité des actes. »
(1) Etude de décembre 1999 de la direction de la Recherche, des Rtudes, de l'Evaluation et des Statistiques du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
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