« LA QUALITÉ DES SOINS de premier recours détermine la qualité de l’ensemble du système de soins ». Les premiers mots de Pierre-Louis Bras donnent le ton. À ses yeux, la fonction primordiale que la médecine de proximité occupe dans notre système de santé commande une réforme audacieuse, qui dépasse les clivages traditionnels entre médecins et infirmiers.
Les soins de premiers recours sont au cœur d’une contradiction. D’un côté, le temps médical se contracte.
L’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) prévoit d’ici à 2020 une diminution de 10 % du nombre de médecins (7,5 % pour les généralistes) et de 16 % de la densité médicale. À ces prévisions s’ajoutent des changements dans la pratique des professionnels, qui aspirent à des emplois du temps plus légers. D’un autre côté, en raison de la transition épidémiologique, les soins primaires doivent être étoffés. L’explosion des maladies chroniques, qui demandent un suivi à long terme, suppose une médecine proactive, autour du médecin traitant, pour aider le malade à suivre un plan de soin et à devenir davantage acteur de son traitement.
« De nouveaux modes de prise en charge sont nécessaires », analyse donc Pierre-Louis Bras, qui reconnaît que certaines dispositions mises en place par les pouvoirs publics allaient dans ce sens. Par exemple, le contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) permet au médecin traitant volontaire de percevoir une rémunération liée à la réalisation de certains objectifs de prévention et de santé publique. Mais c’est loin d’être suffisant, juge cet expert. La plupart des généralistes manquent de temps et de moyens pour assurer l’éducation thérapeutique des patients. Et beaucoup considèrent que là n’est pas leur rôle.
Promouvoir un esprit d’équipe.
Face à ces défis contradictoires, Pierre-Louis Bras estime qu’il faut se pencher sérieusement sur l’implication beaucoup plus forte des infirmiers. Deux modes d’associations sont possibles, selon le professeur. Le premier consiste à externaliser des services hors des cabinets sur le modèle, par exemple, du programme de l’assurance-maladie à destination des diabétiques, Sophia. Ce service propose un accompagnement téléphonique assuré par des infirmiers. « Mais une telle prise en charge, remarque Pierre-Louis Bras, délaisse des patients réticents aux soins qui ne sont pas dans une démarche active. »
Dès lors, suggère-t-il, l’intégration des infirmiers au cœur des cabinets médicaux serait plus efficace. Ils peuvent se substituer aux médecins pour la réalisation de certains actes et assurer l’accompagnement des patients. Des pays (Québec, USA) ont déjà expérimenté avec succès cette organisation fondée sur une vraie délégation de tâches et d’actes (que la France rechigne à mettre en place).
Il est vrai que les obstacles sont nombreux, concède Pierre-Louis Bras. Les infirmiers ont fondé l’affirmation de leur métier sur leur indépendance par rapport aux médecins. Ces derniers hésitent à déléguer…. Nerf de la guerre, le mode de rémunération à l’acte des médecins libéraux n’encourage pas l’évolution des comportements.
Mais ces blocages ne peuvent servir de paravent à l’inaction de l’État, affirme l’ancien directeur de la Sécurité sociale. « C’est une chimère de penser qu’on va changer le mode de rémunération. C’est aux pouvoirs publics de promouvoir une organisation d’équipe, et pour cela, de salarier en grande partie les infirmiers recrutés par les médecins », estime Pierre-Louis Bras. « Une audace qui s’impose en raison des défis de l’organisation des soins de premiers recours ».
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