E N novembre dernier, « Nature » publiait un premier résultat sur les interactions possibles du prion : in vitro, la protéine infectieuse (Prp res) se lie fortement au plasminogène. L'interaction est spécifique, puisqu'elle n'a pas été retrouvée avec la forme normale de la protéine. Elle est donc très certainement déterminée par la structure tridimensionnelle caractéristique de la Prp res. La dénaturation de cette dernière par l'urée abolit d'ailleurs toute affinité pour le plasminogène.
L'affinité du prion pour le plasminogène
Depuis cette première publication, il a été établi que l'affinité du prion pathogène pour le plasminogène est une généralité chez les mammifères, et se retrouve aussi bien chez la souris que chez le mouton, la vache, ou l'homme. On s'interroge cependant toujours sur sa signification fonctionnelle : la fixation du plasminogène sur la Prp res, observée in vitro, se produit-elle aussi in vivo, et avec quelles conséquences ? Si l'interaction était confirmée in vivo, elle pourrait permettre de comprendre certains aspects des maladies à prions. On note, par exemple, que la plasmine, produit du clivage du plasminogène, a été impliquée dans la plasticité neuronale ; convergence évidemment suggestive.
La question du risque sanguin
En attendant des éclaircissements au plan fondamental, l'affinité constatée in vitro soulève la question essentielle du risque sanguin, et ouvre par ailleurs deux pistes de recherche intéressant directement la médecine. Concernant le risque sanguin, on sait déjà que la maladie peut être transmise par voie sanguine à partir de matériel infectant : les cas iatrogènes liés à l'hormone de croissance extractive sont là pour le montrer. Si le sang était lui-même contaminé, la transfusion pourrait être infectante. Pour le moment, aucun cas n'a été rapporté. L'existence d'un ligand circulant de la Prp res est toutefois un argument supplémentaire pour prendre l'hypothèse au sérieux. Lors de la réunion organisée à Dietecom 2001, la Pr Berche (hôpital Necker) a d'ailleurs souligné que le risque le plus important pour l'avenir est vraisemblablement le risque iatrogène.
Les tests de dépistage
En ce qui concerne les pistes de recherche, la plus solide parait être l'amélioration des tests de dépistage. Actuellement, ces tests détectent l'agent dans un tissu fortement infecté, mais deviennent négatifs dès qu'interviennent des facteurs de dilution encore relativement modestes, de 100 à 1 000. Le diagnostic précoce reste donc impossible, de même que la reconnaissance de tissus faiblement infectés, hors système nerveux et organes lymphoïdes - on rejoint d'ailleurs là la question du risque sanguin. Dans ce contexte, le plasminogène, qui présente la propriété d'agréger la Prp res, donc de la concentrer, pourrait permettre d'accroître en conséquence la sensibilité du dépistage. Nul ne se prononce encore sur la sensibilité qu'il sera possible d'atteindre. Pour le Pr Aguzzi, le travail académique consistait à établir le principe, et les choses relèvent maintenant d'un développement par des industriels. A ceux-ci, donc, de se manifester.
« Purification » du sang
L'autre piste, défendue par le Pr Aguzzi, est la « purification » du sang par le plasminogène. L'affinité du plasminogène pour la particule infectieuse en fait potentiellement un agent de filtrage. Des essais visant à purifier un homogénat cérébral infecté par des billes magnétiques enrobées de plasminogènes, plongées et agitées dans l'homogénat, retirées, nettoyées et replongées, ont montré que, après cinq cycles, la présence de prions n'était plus détectable. D'où l'idée d'appliquer au sang un procédé analogue.
A priori, l'efficacité de cette sorte de « dialyse » contre les maladies à prions semble plus qu'aléatoire. En fait, le Pr Aguzzi n'imagine le procédé que dans le contexte bien précis d'une prophylaxie postexposition, de manière un peu analogue à la prophylaxie anti-VIH mise en route après piqûre accidentelle.
Cependant, encore une fois, il est bien difficile de spéculer sur le risque d'une exposition et l'efficacité d'une prophylaxie. L'important, en laissant de côté la méthode en elle-même, est qu'une sorte de philosophie de l'infection s'inscrit derrière la notion de prophylaxie secondaire.
La gestion de l'inconnu
Chacun sait que ce que l'on observe aujourd'hui chez l'homme, en Europe, peut aussi bien rester sans lendemain que se révéler être un départ d'exponentielle. La seule certitude est que les personnes exposées ont été nombreuses, et que l'incubation peut être longue. Comment gérer le problème ? D'abord avec un test de dépistage précoce. Ensuite, au plan thérapeutique, en intervenant le plus tôt possible, et certainement pas en attendant l'apparition de la maladie. L'intervention après l'invasion du système nerveux par le prion semble en effet parfaitement irréaliste. Aussi, même si la « purification » du sang peut susciter quelques doutes, une prophylaxie secondaire est probablement, dans son principe, la seule manœuvre susceptible d'éviter une catastrophe si une proportion substantielle de personnes exposées se révélaient infectées dans les deux ou trois ans à venir.
Le groupe Glon Sanders est spécialisé en nutrition animale.
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