De notre correspondant
L E rapport 2001 de l'Institut de médecine fait suite au rapport 1998, dont les conclusions avaient soulevé un tollé national : les auteurs affirmaient en effet que près de 100 000 patients mouraient chaque année à l'hôpital à la suite d'une erreur médicale.
Beaucoup d'administrations et de praticiens hospitaliers avaient alors contesté les chiffres avancés par l'Institut de médecine, mais, depuis, des changements de procédure et des achats de nouveaux appareils dont la technologie est plus performante ont été mis en place dans tout le réseau hospitalier des Etats-Unis.
Le nouveau rapport explique en substance que les Américains disposent des technologies médicales les plus performantes mais qu'ils n'y ont pas toujours accès et rarement en temps voulu. Les auteurs attribuent les délais thérapeutiques ou le non accès aux soins à l'assurance-maladie qui, peu à peu, s'est transformée en une monstrueuse bureaucratie. « Jamais l'exaspération des cliniciens et de leurs patients n'a été aussi grande, lit-on dans le rapport. Aujourd'hui, le système de santé nuit fréquemment aux patients et la non délivrance des soins est devenue routinière. »
L'une des pesanteurs qui inquiète le plus les auteurs du rapport, c'est le temps perdu entre une découverte fondamentale et son application clinique. Ils notent que, dans certains cas, on a compté jusqu'à dix-sept ans de délai. Et citent l'exemple des bêtabloquants, découverts il y a plus de dix ans et qui ne sont dispensés qu'à la moitié des Américains ayant eu un accident cardiaque.
Autres exemples :
Certaines Américaines ont parfois attendu neuf semaines entre une mammographie suspecte et une biopsie.
De nombreux patients n'ont pas accès à leur dossier médical, ce qui les empêche d'envisager un traitement différent.
L'incapacité de nombreuses salles d'accueil en urgence d'obtenir immédiatement du médecin traitant le dossier médical du patient qui se présente sous l'emprise d'une crise aiguë.
L'absence de coordination entre les soins prodigués par plusieurs spécialistes au même patient.
Le rapport dénonce en outre l'effet pervers du système de remboursement. Assurances-maladie et HMO (Health Maintenance Organizations) exercent des pressions sur le praticien pour qu'il soigne à meilleur marché et prive de la sorte le patient de soins plus chers mais souvent plus efficaces.
Le Dr Lucian Leape, de Harvard, qui est l'un des coauteurs du rapport, souligne les propositions faites par l'Institut de médecine au Congrès, qui lui a commandé explicitement cette enquête. « Nous ne demandons pas aux élus de faire table rase des structures existantes, de détruire le système de soins et d'en rebâtir un autre, déclare-t-il au « Quotidien ». Nous faisons des propositions de nature à faire en sorte que le système, tel qu'il est aujourd'hui, bénéficie réellement au patient. La principale de ces propositions consiste à créer de nouveaux programmes qui accéléreront les procédures. Et nous demandons pour ces programmes un financement de 1 milliard de dollars (sept milliards de francs) sur trois ans ».
Pour unifier les soins aux patients souffrant des quinze maladies les plus graves, le Dr Leape envisage un système qui n'est pas éloigné des RMO (références médicales opposables) françaises : il demande à une agence fédérale (Agency for Health Care and Quality) d'établir des protocoles ou consensus opposables aux médecins.
« Je reconnais, dit-il, que l'establishment médical n'aimerait pas qu'on lui dise de respecter des critères rigoureux. Mais il est indispensable d'empêcher les patients de passer au travers des mailles du "filet" que représente le système de santé. On peut très bien faire en sorte que tous les Américains soient soignés promptement et efficacement sans dépenser plus d'argent. »
« Ce serait un profond changement culturel pour la médecine américaine, déclare au « Quotidien » le Dr Kenneth Kizer, du National Quality Forum, organisation non gouvernementale. Mais un tel changement devient nécessaire ».
Les recommandations du rapport
L'accès aux soins doit être permanent, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Ce qui ne veut pas dire que la consultation peut avoir lieu de nuit comme de jour, mais qu'elle peut être complétée par le recours à Internet, au téléphone ou au fax.
Les patients doivent être pleinement informés et avoir le choix entre plusieurs options thérapeutiques.
Le traitement ne doit pas varier d'un médecin à l'autre, mais répondre aux critères établis par une conférence de consensus.
La sécurité du patient doit être la première préoccupation du clinicien.
Les systèmes de soins doivent être axés sur la prévention plus que sur le traitement, qui intervient après que le patient a contracté une maladie.
Le temps personnel du patient n'est pas moins important que celui du médecin.
Il faut mettre en place une coordination des soins, notamment dans le cas des polypathologies.
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