E N Belgique, à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Liège, à mi-chemin entre Liège et Huy, se trouve Engis. Dans ce village, le 2 décembre 2000, on a érigé une statue en bronze (Paul Vandersleyen, artiste local) en souvenir de ceux qui sont morts dans l'horrible brouillard qui a étouffé la vallée de la Meuse entre le 1er et le 5 décembre 1930. Une jeune femme nue aux cheveux longs, agenouillée, les fesses sur les talons, la tête entre les mains. Sur le socle, une plaque commémorative qui se réfère à la plus jeune des victimes du brouillard sur les soixante que l'on a dénombrés à Arnay, Engis, Flémalie et Seraing : « Louise était jolie/Louise avait vingt ans/Elle revenait du bal/Elle était une enfant. »
Si chacun a en mémoire le brouillard de Londres qui, en décembre 1952, a fait 4 000 victimes, on connaît moins la dramatique pollution associée au brouillard de la vallée de la Meuse en décembre 1930. Cet épisode est considéré comme la première preuve scientifique du potentiel mortel de la pollution atmosphérique.
La région de Liège, sur la Meuse, était à l'époque l'une des zones les plus industrialisées d'Europe occidentale (acier, zinc, verre, fertilisants) depuis la révolution industrielle.
Le 6 décembre 1930, une information judiciaire est ouverte et un comité d'experts est appelé. Selon le rapport de experts, c'est au 3e jour que le brouillard a atteint son opacité maximale et que les premiers symptômes sont apparus dans la vallée : irritation laryngée, douleur rétrosternale, toux, « respiration dyspnéique avec paroxysmes et expiration ralentie comme dans l'asthme ». Certains patients ont des signes d'oedème pulmonaire : cyanose, polypnée, expectoration mousseuse. Nausées et vomissements sont fréquents. Les troubles respiratoires disparaissent rapidement après la dissipation du brouillard, le 5 décembre. Des troubles respiratoires sont également notés chez le bétail.
Soixante décès sont attribués au brouillard les 4 et 5 décembre. Engis, qui compte à l'époque 3 500 habitants, déplore le plus grand nombre de morts. Dix autopsies sont pratiquées. Les études toxicologiques sont négatives. Dans tous les cas, on note une congestion des muqueuses de la trachée et des grosses bronches. Des particules de carbone sont détectées dans les alvéoles. Les investigateurs concluent que les manifestations sont liées à une irritation locale. Les émissions de SO2 (avec formation d'H2SO4 par oxydation sous l'effet du brouillard) sont accusées.
Le rapport conclut : « Si les mêmes conditions climatiques se produisent pendant le même laps de temps et avec la même activité industrielle, le même accident pourrait se reproduire. »
Au bas de la plaque commémorative de la statue de Louise : « Toute entreprise humaine, fût-elle industrielle, est susceptible de perfectionnement. »
Benoit Nemery et coll. « Lancet » du 3 mars 2001, pp. 704-708.
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