De notre correspondant
V ICTIMES, il y a quelques jours, d'un accident de voiture à Grossbliederstroff (Moselle), à moins de deux cent mètres de la frontière, des ressortissants allemands ont contacté les secours de leur pays qui ont refusé d'intervenir sous le prétexte que la Moselle « n'autorise pas l'hélicoptère allemand à se poser sur son sol ». L'affaire a fait grand bruit en Sarre et la presse s'est empressée d'accuser la Moselle de ne pas respecter les conventions franco-allemandes qui permettent aux secours des deux pays d'intervenir réciproquement s'ils se trouvent à proximité immédiate d'un accident.
La Sarre s'engage à payer
En réalité, précisait peu après la préfecture de Moselle, si ces conventions s'appliquent entre le département et le land de Rhénanie-Palatinat - de même d'ailleurs qu'entre les départements alsaciens et le land de Bade-Wurtemberg -, la Sarre a refusé jusqu'à présent d'y participer. Elle dispose en effet d'un hélicoptère médicalisé géré par l'ADAC, l'automobile-club allemand, qui facture ses interventions, y compris hors de son territoire, et veut maintenir cette règle dans le cadre de ses accords avec la Moselle. Or ce principe s'oppose à la notion de gratuité des secours qui est en vigueur en France.
Après avoir obéré pendant des années la coopération enter les services d'urgences des deux voisins, le conflit pourrait toutefois se débloquer prochainement. A la suite des incidents récents, la préfecture de Moselle et le ministère de l'Intérieur du land de Sarre sont parvenus, le 6 mars, à un accord verbal qui prévoit une meilleure coordination des urgences dans les zones frontalières, y compris en cas d'intervention de l'hélicoptère sarrois.
Si ce dernier est appelé à intervenir en France pour un accident, la Sarre sera prête à prendre à sa charge les coûts liés à cette intervention. Un accord définitif sur l'ensemble du dossier devrait être signé en avril, annoncent les autorités sarroises.
De toute manière, rappelle le Dr Michel Aussedat, directeur du SAMU 57 à Metz, l'hélicoptère lorrain du SAMU basé à Nancy intervient aussi en Moselle en cas de besoin. De plus, estime le Dr Aussedat, les interventions héliportées de l'ADAC ne sont pas toujours aussi médicalement justifiées que l'affirme l'automobile-club allemand. En effet, l'intervention d'une ambulance médicalisée suffit souvent pour une prise en charge optimale du patient. Dans le cas de Grossbliederstroff, il s'agissait de blessés légers qui n'avaient pas besoin d'un transport en hélicoptère. L'ADAC est un organisme semi-privé et plusieurs médecins français le soupçonnent de vouloir rentabiliser son hélicoptère et estiment que ce n'est pas à la France de financer cet équipement.
Meilleure coopération ailleurs
Si cette affaire d'hélicoptères entrave depuis des années la signature d'une convention entre la Sarre et la Moselle, la situation est heureusement meilleure dans les autres secteurs frontaliers, même si, là aussi, les hélicoptères allemands souhaiteraient intervenir en France bien plus souvent qu'ils ne le font. Dans le nord de l'Alsace, la ville de Wissembourg est, par exemple, à six minutes de vol du centre de secours héliporté de Karlsruhe, mais à vingt minutes de celui de Strasbourg, géré par le SAMU 67 avec un Alouette de la Protection civile. Dans ces conditions, les Allemands voudraient que leur hélicoptère soit plus souvent appelé sur ce secteur. « Cela pourrait parfois être utile médicalement, admet le Dr Jacques Texier, directeur du SMUR de Strasbourg, mais les caisses d'assurance-maladie alsaciennes prendront-elles en charge les frais de ces interventions, alors que celles de la Protection civile sont gratuites ? »
En fait, estime le Dr Texier, les problèmes de financement se doublent d'une conception différente des urgences dans les deux pays : en France, tout appel arrive au médecin régulateur du SAMU, et c'est donc un médecin qui prend le cas en charge. Il peut envoyer tout de suite un véhicule médicalisé sur le lieu de l'accident, et déclencher ultérieurement, en cas de besoin, l'intervention d'un hélicoptère. En Allemagne, au contraire, il n'y a pas de régulation médicale, et le centre de secours décide ou non de faire intervenir des moyens lourds qui sont parfois disproportionnés par rapport aux besoins. Comment s'étonner dans ces conditions qu'outre-Rhin le recours à l'hélicoptère soit beaucoup plus fréquent qu'en France ? Par ailleurs, alors que les SAMU et les SMUR français envoient systématiquement des médecins sur les lieux des accidents graves, les services allemands préfèrent parfois avoir recours à des infirmiers urgentistes : cela peut poser des problèmes d'équivalence de compétences et de techniques, rappellent les médecins urgentistes français.
Malgré ces différences de conceptions, de moyens et de formations, les secours alsaciens ont toutefois réussi à s'entendre avec leurs voisins badois et palatins. La prise en charge classique de blessés dans les zones frontières fonctionne désormais plus selon une logique médicale qu'en fonction du lieu de l'accident.
En cas de catastrophe impliquant de nombreuses victimes - la chute d'un car allemand tombé en 1999 dans un ravin dans la Forêt noire en a été le dernier exemple -, l'hélicoptère strasbourgeois intervient sans problème en Allemagne, de même que les appareils de Karlsruhe et de Fribourg peuvent voler au secours de l'Alsace, même si ces interventions restent extrêmement rares.
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