A entendre plusieurs responsables de syndicats de médecins libéraux, les praticiens-conseils continuent à exercer un rôle de contrôle prépondérant. « Leur tâche est de moins en moins conseil, de plus en plus contrôle, affirme même le Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), qui regroupe les généralistes de la CSMF. Justification médicale a priori des arrêts de travail, justification médicale a priori des transports, persistance a priori des RMO alors qu'elles ne sont plus opposables, contrôle des affections de longue durée.... nous n'avons jamais eu autant de contrôles, de tracasseries administratives en tous genres. La vérité est celle-là. »
Dans la boîte aux lettres de son cabinet d'Aurillac, le Dr Chassang a trouvé ce matin un courrier de la main du médecin-conseil, au sujet de cinq séances de rééducation prescrites par son remplaçant. Il est sommé d'indiquer le motif et la nature de la pathologie ayant nécessité une telle prescription. « Plutôt que de procéder ainsi, la moindre des corrections aurait été de me donner un coup de fil, ou au moins de joindre une enveloppe timbrée pour la réponse ! », s'indigne le Dr Chassang, lassé des procédés employés par le service médical. Pas plus tard qu'hier soir, « il a perdu une heure », dit-il, avec la visite du médecin-conseil qui avait relevé 70 anomalies sur les RMO concernant les psychotropes. « Quand il est ressorti, il n'y avait plus une seule anomalie, mais après cela, qu'on ne me dise pas que ce n'est pas du contrôle ! » Le président de l'UNOF se veut néanmoins compréhensif envers ces « confrères au travail difficile, coincés entre l'administration, qui ne pense qu'aux résultats économiques, et leur propre vision des choses, qui est médicale ».
Le SML pour une instance nationale de conciliation
« Des médecins contrôles, on est passé à des médecins-conseils », estime, en revanche, le Dr Dinorino Cabrera, du Syndicat des médecins libéraux (SML), même si la dualité entre les deux fonctions demeure. « Episodiquement, nous avons des contentieux, mais ils sont peut-être plus rares qu'avant. Ils peuvent être liés à la personnalité d'un médecin-conseil avec qui les contrôles ressemblent à des descentes de flics. Car, comme dans n'importe quelle population, il existe une minorité qui n'est pas bien dans sa peau et dépasse la mission qui lui a été donnée. De leur côté, nombreux sont les médecins qui n'acceptent aucun contrôle. Ils ont tort », analyse-t-il.
Plutôt que de monter en épingle des problèmes finalement marginaux, le Dr Cabrera propose la création d'une instance nationale de conciliation, qui serait chargée d'examiner les situations au cas par cas. « Certes, il existe déjà des comités médicaux paritaires locaux (CMPL), mais ils n'exercent pas de fonction au niveau des contentieux », constate le président du SML, pour qui le système pourrait être amélioré très simplement. A l'heure actuelle, il est impossible de savoir si un médecin se croit persécuté ou bien si c'est le médecin-conseil qui est allé trop loin. « L'objectif n'est pas de contrôler les contrôleurs, mais de jouer un rôle de médiation, insiste le Dr Cabrera.
Contrôles collectifs et contrôles individuels
Le service médical de la Caisse national d'assurance-maladie (CNAM) a réorienté ses missions il y a trois ans, en décidant de doubler la part de l'activité consacrée à « l'expertise en santé publique », à savoir le contrôle des pratiques des professionnels et des établissements de santé.
Cet aspect du métier des praticiens conseils est passé d'un tiers de leur activité aux deux tiers, et cela au détriment des contrôles sur les assurés, soit une inversion des proportions jusque-là préconisées. En même temps, il a été décidé de privilégier, dans le cadre de ces actions de santé publique, l'évaluation des pratiques collectives des professionnels de santé, plutôt que les contrôles individuels. Ces derniers s'avèrent souvent mal vécus par les médecins et n'ont pas, de l'avis des responsables, démontré toute leur efficacité. Même si leur part est désormais considérée comme secondaire, ils sont poursuivis « pour des raisons morales et de dissuasion ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature