Radioprotection en cardiologie interventionnelle

Pourquoi une formation ?

Publié le 09/12/2010
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PAR LE Dr OLIVIER BAR*

JUSTIFICATION, OPTIMISATION et limitation sont les trois principes fondamentaux de la radioprotection dont la compréhension est indispensable si nous souhaitons garantir à nos patients la pertinence de nos stratégies diagnostiques et thérapeutiques en cardiologie interventionnelle au regard du risque lié à l’exposition aux radiations ionisantes. Pour atteindre cet objectif, il faut savoir manipuler les notions de dose absorbée (Gray), de dose efficace (Sievert) et de relation dose/effet (5 %/sievert). Il convient également d’avoir compris les trois lois physiques qui expliquent les interactions entre rayonnements ionisants et matière : loi de l’inverse du carré de la distance, loi d’atténuation du milieu traversé, loi de relation avec le temps d’exposition.

Ces notions permettent de répondre aux trois principes cités en introduction.

Justification.

L’exposition du patient aux radiations doit être médicalement justifiée et le risque sanitaire encouru du fait de cette exposition doit être largement contrebalancé par le bénéfice médical attendu. Comment évaluer le risque de cancer létal à long terme pour un groupe de patients exposés à une dose efficace de 10 mSv ? Le risque calculé selon les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) (régression linéaire sans seuil en dessous de 100mSv) est évalué à 1 cancer létal à long terme (20 ans) pour 2 000 examens (5 pour 10000/Sv). Soulignons que ce coefficient varie selon l’âge et le sexe et que pour un groupe de patientes de 30 ans, le risque serait trois fois supérieur : 1/650.

Optimisation.

Une bonne compréhension des interactions physiques des radiations avec la matière permet de réaliser un examen dont l’image contient l’information diagnostique recherchée au prix d’un risque le plus faible possible et compatible avec cet objectif. C’est le principe ALARA des Anglo-Saxons : As Low As Reasonnably Achievable.

Comment optimiser un coroscanner ? Par une réduction stricte du FOV (Field of View) à la zone d’intérêt : en pratique, en mode séquentiel prospectif, un FOV de hauteur égale à 4 barrettes de détecteur est suffisant, si le repérage est fait en positionnant le haut de la boite à mi-AP.

Comment optimiser une coronarographie ? Par l’utilisation d’un champ de 25 qui a la même définition qu’un champ plus petit lorsqu’on se sert d’un capteur plan ; en ayant recours à la collimation du faisceau ; en respectant une distance tube/détecteur proche de la distance de focalisation de la grille (DFI = 100 cm le plus souvent) et en positionnant le patient aussi loin que possible du tube à rayons X et aussi proche que possible du détecteur.

Limitation.

Ce principe ne s’applique qu’aux travailleurs et jamais au patient : le risque des opérateurs est réglementairement limité (20 mSv /an, cette dose correspondant à un risque jugé acceptable au regard des connaissances actuelles et des risques d’autres professions). Cependant, il convient de réaliser les examens en limitant au maximum l’irradiation des équipes médicales : un médecin qui recevrait une dose efficace de 20 mSv par an durant 25 ans verrait son risque de cancer létal accru de 10%. L’utilisation appropriée des écrans atténuateurs plombés est un moyen très efficace pour réduire la dose annuelle reçue par les opérateurs.

Il est notoire que la connaissance des cardiologues en matière de radioprotection peut être améliorée ; le développement de techniques médicales faisant appel à l’imagerie radiologique comme moyen de visualisation et de localisation des lésions coronaires a été très rapide et approprié par un groupe de professionnels peu formé initialement à ces techniques.

Ces constatations sont internationales et sont à l’origine de l’élaboration de la Directive EURATOM 97/43 déclinée en droit français (arrêté de mai 2004). La nécessité d’une formation spécifique avec un suivi et une mise à jour des connaissances est indispensable. Ce travail de formation est à renouveler en permanence pour former les nouveaux opérateurs et s’adapter aux nouvelles techniques d’imagerie. Il est très probable que la réglementation devienne plus contraignante et impose une formation continue à des délais plus rapprochés qu’actuellement (10 ans pour la radioprotection du patient et 3 ans pour la législation du travail).

C’est à ce prix que les pratiques évolueront. La lecture des recommandations récentes de l’ESC pour la prise en charge de la cardiopathie ischémique devrait se faire en intégrant le risque radiologique (1).

Si l’échographie de stress et la scintigraphie sont classées comme des examens équivalents, la décision finale dans le choix de la technique à utiliser devrait prendre en compte le caractère non irradiant de l’un des deux. Lorsque celui-ci est disponible, il devrait être préféré.

Voila un excellent exemple justifiant l’effort de formation à la radioprotection de tous les cardiologues, interventionnels ou non !

* Clinique Saint-Gatien, Tours.

(1) Guidelines on myocardial revascularization. European Heart Journal 2010;31:2501–2555.


Source : Bilan spécialistes