Faudrait-il encore faire des réformes parce que nous sommes confrontés à des déficits sociaux récurrents ? En premier lieu, rappelons que l’endettement de la Sécurité sociale est très nettement inférieur à celui de l’État. La dette de la Sécurité sociale représente 10 % de la dette publique, celle de l’État plus de 80 % (exergue). Dans le même temps, le budget de la Sécurité sociale s’élève à 513 milliards d’euros, celui de l’État est près de 473 milliards. Il ne s’agit pas de relativiser l’importance des déficits, mais plutôt d’agir là où il y a urgence. Par ailleurs, on ne cesse de réformer notre système de protection sociale. Depuis la réforme Juppé en 1995, le modèle est en constante évolution. Il s’est trop souvent agi de simples mesures de replâtrage, mais des réformes structurelles ont également été lancées. L’explication première des déficits provient d’abord de la faiblesse de la croissance et du chômage en progression. Ce n’est donc pas à cause des déficits qu’il est nécessaire de réformer.
En revanche, le système actuel n’est plus adapté à l’état actuel de notre société.
Les principes en ont été posés en 1945. Trente ans ont été nécessaires pour les mettre en œuvre. Mais aujourd’hui, la société est bien différente de celle de 1945, il y a de nouveaux besoins sociaux. Nous sommes confrontés à une société vieillissante, où hommes et femmes travaillent. Le système a d’abord été pensé pour des travailleurs qui débutent leur carrière relativement tôt, disposent d’un contrat en CDI à temps plein et effectuent leur carrière dans la même entreprise. Aujourd’hui, les carrières commencent plus tard, sont trouées par des périodes de chômage. Les situations précaires sont nombreuses. Les femmes travaillent souvent à temps partiel. Ces situations signifient souvent un accès partiel à la protection sociale, (notamment à la protection sociale complémentaire) et des droits à la retraite très dégradés.
Notre système de protection sociale a du mal à garantir la sécurité sociale des citoyens d’aujourd’hui. Exemples les jeunes qui entrent de plus en plus tard sur le marché du travail.
Quant aux filets de sécurité de type CMU, ils ne font que conforter la mise en place d’un système à deux vitesses, avec l’explosion des dépassements à l’hôpital comme en ville.
L’enjeu est donc de repenser l’octroi des droits sociaux afin qu’ils s’ajustent aux réalités d’aujourd’hui. Par exemple, comment bénéficier d’une complémentaire en cas de changement fréquent d’employeur ? L’une des pistes serait de déconnecter le lien entre protection sociale et emploi.
D’un point de vue économique, notre système de protection a été conçu pour accompagner l’essor d’une industrie de masse. C’est dans ce secteur qu’ont été accomplis d’importants gains de productivité, à l’origine de la croissance qui a financé l’expansion de notre système de protection. Avec la désindustrialisation, nous ne sommes pas capables de créer de nouveaux secteurs aptes à produire autant de richesses. Il convient de refonder les liens entre économie et protection sociale. Dans les années 40-50, la pensée économique considérait que les dépenses sociales contribuaient à la croissance. Puis survient une seconde phase où les dépenses de protection sociale sont alors décrites comme un frein à l’efficacité économique. Je n’appelle pas au retour d’une pensée strictement keynesienne. Dans une économie mondialisée, le seul soutien à la consommation ne peut suffire. Il faut donc trouver d’autres réponses. L’économie de l’avenir repose d’abord sur des services ou dans l’industrie sur la recherche de la qualité. Ce que l’on appelle l’économie de la connaissance où le capital humain joue un rôle essentiel. Dans cette perspective, les politiques sociales devraient contribuer à améliorer le capital humain, notamment en accueillant au mieux tous les jeunes enfants, en insistant sur la formation initiale et tout au long de la vie.
Actuellement, 80 % des dépenses sociales sont assurées par des prestations qui interviennent après-coup (indemnisation chômage, indemnités journalières, prestations de retraite…). Je parle ici plutôt de politiques sociales qui interviennent en amont pour mieux armer les individus. Réaménagement des congés parentaux, service public de la petite enfance, investissement dans la recherche et l’éducation, promotion scolaire pour tous, créations d’emplois de qualité dans les services à la personne, amélioration des conditions de travail, autonomie et apprentissage permanent dans les entreprises, formation et requalification professionnelle pour tous et tout au long de la vie, garantie de revenu élevée sans perte de droits sociaux en période de recherche d’emploi et de requalification, telles sont les pistes ouvertes par la stratégie d’investissement social.
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