Avec une prévalence de l’ordre de 63 %, la dysfonction rénale est fréquente dans l'insuffisance cardiaque, que ce soit en situation aiguë ou chronique. Dans près d’un tiers des cas (29 %) l'IR est modérée voire sévère et dans ce cas multiplie la mortalité par deux par rapport à une IC à fonction rénale normale, ce surcroît de décès étant lié à l'aggravation de l'IC mais aussi à la mort subite .
"On connaît mieux les mécanismes de l'IR chez l'insuffisant cardiaque qui associe une diminution de la perfusion rénale du fait de la réduction du débit cardiaque à une augmentation de la pression veineuse rénale, l'ensemble conduisant à une diminution du débit de filtration glomérulaire. S'y ajoutent les effets potentiellement néphrotoxiques des médicaments ainsi que le retentissement de la pathologie sous-jacente, HTA ou athérosclérose. L'IR à son tour aggrave l'hypervolémie et l'hyperkaliémie, participe à l'acidose métabolique, majore l'HTA et l'anémie" a expliqué Thibault Damy (CHU Henri Mondor) lors d’une session dédiée à cette problématique
Le syndrome cardio-rénal, une entité à part entière
Les inter-relations entre le rein et le cœur ont amené en 2008 à définir le "syndrome cardio-rénal" (SCR) et à y englober diverses situations cliniques : le type I et III sont des situations aiguës, l'une où la dysfonction rénale suit l'IC, et l'autre où c'est l'atteinte rénale qui provoque la décompensation cardiaque vraisemblablement sur une cardiopathie sous jacente. Dans les formes chroniques, l'ICC détériore progressivement la fonction rénale pour aboutir à l'IR dans le type II, dans le type IV la pathologie rénale est responsable d'une athérosclérose et/ou d'une dysfonction du VG. Enfin le type V est secondaire à une pathologie systémique provoquant simultanément l'atteinte cardiaque et rénale.
Une prise en charge encore empirique
"Toute la difficulté est qu'une fois enclenché, il est difficile d'interrompre et encore plus d'inverser ce cercle vicieux cardio-rénal, les intrications neurohormonales, hémodynamiques et métaboliques compliquant notablement l'approche thérapeutique. Aussi bien pour le cardiologue que pour le néphrologue, l'enjeu est d'anticiper dès le début les conséquences sur l'autre organe" insiste le Pr Guillaume Jondeau (Paris). La prise en charge de l'insuffisant cardio-rénal repose plus sur des consensus d'experts que sur l'EBM, les IR étant généralement exclus des grands essais cliniques. On recommande de maintenir un régime désodé bien conduit, d'augmenter les diurétiques en sachant qu'il faut éviter aussi bien l'hyper- que l'hypovolémie, de corriger l'anémie et de protéger la fonction rénale en évitant les AINS et les produits de contraste iodé. Les ßbloquants et d'IEC doivent être réduits mais maintenus "Leur efficacité ne semble pas être diminuée chez l'insuffisant rénal, et s'il faut éviter le surdosage par accumulation, il est cependant nécessaire d'employer les doses optimales" poursuit le spécialiste. La place de l'ultrafiltration reste encore à préciser.
La résistance aux diurétiques est fréquente dans les stades avancés de l'IC et de mauvais pronostic. "Sa prise en charge repose sur le traitement optimal de l'IC, l'augmentation des doses ou des prises de diurétiques de l'anse, voire leur association à des diurétiques thiazidiques sous surveillance clinique et biologique stricte. Les diurétiques retard sont contre-indiqués " explique le Pr De Groote (Lille)
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