Michel Chassang* :
« un point central, la modernisation de l’exercice »
"Ce qui émerge le plus, c’est la modernisation de l’exercice. Et c’est vrai, la dématérialisation des processus a révolutionné notre exercice : logiciels, dossier patients, avec les résultats qui s’y classent directement… C’est une révolution qui ne fait que commencer. Et puis, on retrouve dans les préoccupations des médecins, cette emprise croissante de la Sécu qui font que certains en arrivent à remettre en cause le système conventionnel. Le dispositif médecin traitant n’arrive pas si tôt dans le classement.
Cette réforme me semble pourtant fondamentale. De même que le volontariat de la garde, qui a bouleversé l’exercice ; ou encore la visite à domicile, véritable servitude, mal rémunérée (mais qui permettait de voir le patient dans son environnement…) qui comptait pour au moins la moitié de l’activité du médecin et ne représente plus aujourd’hui que 10 à 25% de celle-ci. Je retiens aussi la politique du générique qui a perturbé gravement l’exercice médical en donnant la main au pharmacien."
*Président de l’UNAPL et ancien président de la CSMF
Anne-Marie Soulié* : « moins de médecins, plus de prise sur les patients »
« Pour moi la pluridisciplinarité ne date pas d’aujourd’hui. Elle était déjà au centre de nos préoccupations dans les années 70-80... Pour le reste, c’est vrai qu’on a vu se diffuser l’informatisation des cabinets sur un temps très court à partir de la fin des années 90. Et le téléphone portable, aussi. Ne pas s’en servir aujourd’hui, c’est se mettre en marge.
Ce qui me frappe aussi, c’est la féminisation et l’évolution démographique de la profession : dans mon secteur, on est moitié moins de praticiens aujourd’hui. Avec des conséquences importantes sur la relation aux patients. Cela donne au médecin une prise sur leurs demandes. C’est bien quand elles sont excessives, moins bien dans le cas contraire; et cela peut accroître la judiciarisation, liée à l’absence de dialogue. La place prise par les contrôles des caisses me semble moi aussi un phénomène insupportable.
Et le tiers payant n’arrangera pas les choses… Enfin, sur le plan médical, je trouve les réponses un peu trop centrée sur la maladie et le médicament, alors que la place prise par les pathologies chroniques et dégénératives –et peut-être environnementales- me semble si évidente. »
*Généraliste à Lubersac (Corrèze), ancienne présidente du Syndicat national des médecins de groupe
Richard Bouton* :
« les médecins grignotés par l’Assurance Maladie »
"Je me retrouve dans les cinq premiers points et leur classement. Et j’aurai dit la même chose concernant les innovations. Je suis complètement d'accord pour dire que l'imagerie médicale est un apport extraordinaire et en même temps, il y a comme un paradoxe car les médecins généralistes n’en profitent pas directement.
L'informatisation des cabinets aussi, c'est fantastique. Avant, il fallait stocker les dossiers papiers, racheter des pochettes. J’ai eu jusqu'à 5 000 dossiers patients à stocker ! Sur l'emprise des Caisses, aussi, c'est bien vrai, ils se sont laissés bouffer, grignoter par l'Assurance Maladie au travers d'une convention indigne. Sur la carte vitale et les FSE, je crois en revanche que c'est beaucoup plus simple aujourd’hui que de remplir un formulaire CERFA: un vrai progrès pour le praticien et l'assuré qui est remboursé en trois jours."
*Consultant, fondateur de MG France
Pr Pierre-LouisDruais* : La clinique avant toute chose !
Je suis un peu surpris que l’imagerie occupe la première place de ce classement. Certes nous étions très pauvres il y a 40 ans. Mais en médecine générale, l’imagerie n’est qu’un élément d’aide à la décision et au diagnostic. Ce n’est pas l’IRM ou le scanner qui nous permet de prendre des décisions tous les jours Ce choix en dit long sur le recul de la clinique qui perd son leadership par rapport à la technique.
L’avènement du risque cardio-vasculaire global en bonne place signe la reconnaissance par les médecins généralistes eux-mêmes de leur rôle récent dans le domaine de la prévention primaire et secondaire. C’est une évolution majeure de notre pratique qui concerne environ un 1Ž4 des consultations si on ajoute le diabète. Le visage de la pathologie cardio-vasculaire a considérablement changé avec les avancées techniques et les statines. Il y a 40 ans, je voyais une embolie, un AVC, deux IDM par semaine, aujourd’hui –pour schématiser- ce serait 4 par an !
Il est logique de retrouver très haut dans le classement des médicaments comme les IPP qui ont sorti les ulcères du bloc opératoire. Et les IRS nous ont permis de réinvestir la pathologie dépressive. au final, la clinique sera sans doute le combat des années à venir. Si on veut que la médecine générale perdure dans le système de soins. Aux jeunes, je leur dirais : attention, la clinique d’abord et aux plus anciens, vous perdez la clinique alors que vous avez été formés pour ça. C’est l’outil par excellence du soin primaire.
*Président du Collège de la Médecine générale.
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