Récit d'un accouchement qui tourne à la catastrophe

En 2019, Delphine accouche avec difficulté de son deuxième enfant. Quelques secondes après la naissance, la sage-femme, tendue et blême, lui apprend qu’elle a dû procéder à une épisiotomie. Si l’accouchement en lui-même fut long et pénible, l’épreuve post-épisiotomie s’apparente à un cauchemar. S’ensuivent en effet deux heures de supplice au bout desquelles l’anesthésiste réalise que la machine de péridurale est « éteinte » et que la mère est recousue à vif. Quant à l’homme qui la recoud, il ne parle quasiment pas français et ne s’est jamais présenté. Au final, elle aura perdu connaissance deux fois.

Les jours suivants, la sage-femme qui suit Delphine depuis des mois parle de « carnage » et son médecin traitant lui révèle qu’elle a un trou dans le périnée. « Je ne vois aucun acte médical traditionnel qui expliquerait un trou à cet endroit », s’étonne-t-il. Le praticien lui donne les coordonnées d’une ostéopathe qui a l’habitude des patientes ayant vécu un accouchement difficile et l’invite à entamer une thérapie EMDR pour surmonter son traumatisme. Delphine comprendra, grâce à un juriste, qu’il ne s’agit pas uniquement de violences obstétricales mais précisément d’« erreurs médicales dans un contexte de violence ».

Ce récit poignant ne se contente pas de décrire un événement dramatique isolé : il questionne l’ensemble du suivi gynécologique d’une maman choquée. Tandis qu’une périnéoplastie s’impose pour remédier à plusieurs complications, le chirurgien auquel elle a affaire, qui ne cache pas son amitié pour le chef de service de la maternité dans lequel elle a vécu l’enfer, adoptera souvent une attitude inadaptée (manque d’empathie, tutoiement, insistance pour qu’elle reprenne les rapports sexuels). Il refusera aussi de lui rédiger le compte-rendu décrivant l’état précis dans lequel il l’a trouvée – document nécessaire pour mener une action judiciaire. Elle finira par obtenir de la maternité une – modeste – indemnisation financière…

Céline Reichel

Comment est-ce qu’on va recoudre ça ?, Delphine Leclerc, Flammarion, 192 pages, 18 euros