LE QUOTIDIEN DU MEDECIN - Quelles priorités assignez-vous à la recherche sur les ESST ?
ROGER-GÉRARD SCHWARTZENBERG - La découverte scientifique ne se commande pas et nous souhaitons évidemment le développement d'une recherche fondamentale fondée sur des idées originales bien nécessaires face à un agent transmissible d'une nature totalement nouvelle. La mission première du GIS* est donc de favoriser les travaux originaux. Nous pensons que ces travaux se développeront selon trois grands axes :
- Comprendre la nature de l'agent infectieux et la physiopathologie des maladies à prions. Il nous reste à connaître par quel mécanisme s'opère le passage de la conformation normale à la conformation anormale de la protéine prion. Comprendre également l'évolution de la maladie. Actuellement, il existe une sorte de "fenêtre silencieuse" entre, d'une part, l'infection et les premiers jours de la maladie, où l'agent infectieux pénètre par la partie terminale du tube digestif, c'est-à-dire l'iléon, et, d'autre part, le stade tardif, trente mois après, où l'agent infectieux apparaît dans le système nerveux et où il devient détectable. Comment est-on infecté ? Que se passe-t-il entre l'infection et l'apparition de la maladie dans le système nerveux ? Comment évolue l'agent infectieux ? Cela nous amène naturellement à :
- L'axe 2, qui demande la mise au point de nouveaux tests de détection, plus rapides, plus précoces, plus fiables, et d'utilisation simple.
- L'axe 3 : développer la recherche épidémiologique et thérapeutique sur les maladies à prions.
Vous avez triplé les crédits en la matière. Direz-vous que l'Etat a tardé à fournir les moyens nécessaires à la recherche ?
Non, l'effort de l'Etat en faveur de la recherche sur les prions a été développé depuis plusieurs années, ce qui nous permet aujourd'hui de disposer d'équipes de très bon niveau international dans ce domaine, et de pouvoir engager un nouvel élan pour ces recherches. Dès le 17 avril 1996, les ministres de la Recherche, de la Santé et de l'Agriculture ont décidé la création d'un comité d'experts de veille scientifique, médicale et technique sur les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) et les prions. Composé de 24 personnalités et présidé par le Dr Dominique Dormont, ce comité a proposé puis évalué un programme de recherches interorganismes sur les ESST. Nous nous sommes attachés à doter ce programme spécifique de recherche sur les ESST et les prions de moyens croissants. Les crédits qui lui ont été consacrés s'élevaient déjà à 70 MF en 2000.
J'ai obtenu du Premier ministre un triplement des moyens consacrés à ces recherches qui bénéficieront en 2001 de 210 millions de francs. Nous engagerons 120 personnels de recherche nouveaux.
Un groupe d'experts européens
La participation britannique à ce symposium est-elle le prélude à un programme enfin vraiment européen sur les ESST ?
L'Union européenne contribue déjà au financement de 54 projets de recherche sur les ESST. Le 5e PCRD finance ces projets communautaires avec les programmes BIOMED et FAIR. Plus d'une vingtaine de projets impliquent des équipes françaises et anglaises. Par exemple, l'INRA est engagée dans 6 programmes FAIR avec des équipes anglaises. Ces programmes portent sur le typage de souris transgéniques, l'analyse des tissus atteints chez les ovins, la barrière d'espèce avec les modèles souris et mouton, la tremblante. Le CEA est également engagé dans plusieurs programmes coopératifs (au moins 5 pour le seul laboratoire de Dominique Dormont). Le récent article publié dans « Nature » par l'équipe du CEA et des chercheurs britanniques démontrant la très grande sensibilité du test CEA, résulte de cette collaboration.
Le 16 novembre, à Bruxelles, en ma qualité de président du Conseil des ministres de la Recherche de l'Union européenne, j'ai fait adopter par celui-ci la décision suivante : "Le Conseil invite la Commission à créer, en concertation avec les Etats membres et en liaison avec les mécanismes existants, avant la fin de l'année 2000, un groupe d'experts chargé de dresser le bilan des recherches effectuées sur l'ESB et la maladie de Creutzfeldt-Jakob dans les Etats membres, de favoriser les échanges d'informations scientifiques entre les équipes de chercheurs et d'indiquer les actions de recherche actuelles à renforcer et les actions nouvelles à engager" .
Le groupe d'experts, avec 5 membres français, s'est réuni dès le 15 décembre 2000. Il a décidé de procéder à la constitution d'un inventaire permanent des activités nationales sur les ESST. Français et Britanniques avaient d'ailleurs déjà préparé un tel document en vue de cette réunion ; il y aura désignation d'un interlocuteur unique par pays responsable de la tenue à jour de cet inventaire national. Le Pr Dormont a été proposé par la délégation française ; nous établirons une liste des thématiques de recherche à soutenir en priorité. Ce groupe européen, créé à mon initiative, doit remettre son premier rapport courant mars.
* Groupement d'intérêt scientifique constitué à l'initiative du ministère en novembre dernier.
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