De notre correspondante
à New York
L A schizophrénie touche environ 1 % de la population. Cette maladie mentale, sévère et chronique, regroupe des troubles caractérisés par une dissociation et une discordance des fonctions psychiques, une perte de l'unité de la personnalité, une rupture du contact avec la réalité, un délire et un repli sur soi.
On distingue quatre formes principales de troubles schizophréniques : la forme catatonique, la forme désorganisée, la forme paranoïde et la forme indifférenciée.
Les causes précises de cette maladie complexe, qui résulte de l'interaction de facteurs génétiques et environnementaux, sont encore inconnues. Pour explorer les causes génétiques de la schizophrénie, une équipe de de l'université de Wurzburg (Allemagne) a trouvé un précieux point d'ancrage. Dirigée par le Pr Klaus-Peter Lesch, cette équipe a remarqué qu'une forme familiale de la schizophrénie catatonique, la catatonie périodique, semble se transmettre dans certaines familles selon un mode autosomique dominant. Les chercheurs sont donc partis à la recherche des gènes responsables.
Dans la catatonie périodique, les patients affectés présentent des épisodes psychotiques aigus accompagnés de troubles psychomoteurs variables, combinant inertie, négativisme, actes paradoxaux et stéréotypies ; au fur et à mesure des épisodes, l'état catatonique résiduel devient de plus en plus sévère.
L'équipe a tout d'abord conduit une étude de liaison génétique chez douze familles allemandes affectées de catatonie périodique. Cette étude a indiqué une liaison du trouble avec un locus sur le chromosome 15q15, ainsi qu'une liaison dans une famille avec un locus sur le chromosome 22q13.
Meyer, Lesch et coll. ont alors comparé, sur ce locus du chromosome 22, la séquence d'un gène WKL1 chez deux patients affectés et trois témoins. Une mutation (C1121A) hétérozygote a été découverte chez les deux patients affectés. Les chercheurs ont ensuite constaté que cette mutation du gène WKL1 est, dans cette famille, présente chez sept membres touchés et absente chez six membres sains. Mais elle est présente aussi chez certains membres sains, ce qui indique une pénétrance incomplète du trouble.
Etude de liaison dans douze familles
Le gène WKL1 code pour une nouvelle protéine qui n'est exprimée, d'après l'étude, que dans le cerveau, et surtout dans l'amygdale, le noyau caudé, le thalamus et l'hippocampe. La protéine WKL1, de par sa structure, semble être un canal ionique non sélectif situé sur la membrane des neurones. Les canaux ioniques jouent un rôle essentiel dans le début et la fin des potentiels d'action dans les neurones. La mutation de WKL1 (Leu309Met) change la forme de la protéine et compromet probablement sa fonction de canal, ce qui entraînerait des changements d'excitabilité des neurones. Des exemples de mutations dans des gènes codant des canaux potassium sont déjà connus et donnent l'ataxie épisodique (gène KCNA1) et l'épilepsie néonatale familiale bénigne (gène KCNQ2).
« L'expression élevée du gène WKL1 muté dans les systèmes nigrostriés et mésolimbiques, entraînant une fonction réduite du canal dans ces régions cérébrales, serait en accord avec les signes psychopathologiques importants de la catatonie périodique, comme la dysfonction psychomotrice, le trouble cognitif et les états affectifs désinhibés ou atténués », observent les chercheurs.
« Nos résultats soulignent l'importance des mécanismes génétiques dans l'étiologie des syndromes schizophréniques », concluent-ils. Toutefois, la pénétrance incomplète et la variabilité du trouble au sein de la famille « indiquent aussi l'intervention de mécanismes secondaires, comme les stress oxydatifs excitotoxiques, ou de gènes modificateurs qui interagissent avec des facteurs de l'environnement, comme le traumatisme périnatal et le stress psychosocial ».
« L'identification de ce gène constitue un puissant outil pour comprendre l'étiopathogenèse de la schizophrénie catatonique et des troubles apparentés », ajoutent les chercheurs. Une grande priorité maintenant, suggèrent-ils, est d'évaluer le rôle que joue WKL1 dans d'autres troubles psychotiques périodiques, y compris les psychoses bipolaires et cycliques.
« Le développement de traitements soignant les causes de ces troubles dévastateurs devient maintenant une perspective réaliste et un objectif accessible. »
« Molecular Psychiatry », 20 mars 2001, Vol. 6, n° 3, p. 304.
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