ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
M OINS que Seurat, mais plus que certains de ceux qui adoptèrent la technique « pointilliste », Signac a su porter au meilleur de ses effets cette manière alors toute nouvelle de capter la réalité. Il y trouve un langage clair, une harmonieuse palette et une expression dynamique aimable et qui se prête bien à son sujet favori : les ports, les bateaux et la mer.
C'est sous cet aspect qu'il est connu, reconnu et représenté dans les musées. L'exposition qui lui est consacrée a le mérite d'élargir le propos, de mieux pénétrer dans les étapes de sa démarche et de le révéler plus complexe.
La nature de l'homme, sa condition de bourgeois aisé le placent à cette intersection des rencontres qui font de lui un passeur d'idées, un propagateur de la technique picturale, dont il a été l'un des premiers à explorer les mérites. Ainsi le voit-on aussi bien dans le voisinage de Van Gogh que de celui de Matisse. Jouant auprès de celui-ci un rôle capital, libérant chez lui sa nature profonde qui va exploser avec le fauvisme. Signac, lui-même, ne s'enferme pas dans la technique pointilliste, et s'il la porte à sa perfection, il en dépasse les limites, et s'aventure dans une expression plus libre, vive et nerveuse, où la vibration de la lumière suit d'autres chemins que ceux d'une démarche si proche des sciences de l'optique pour devenir une écriture spontanée quoi que bien maîtrisée et propice, elle aussi, à des sujets qui constituent la ligne de force de son uvre. Du fait, sans doute, de s'être fixé à Saint-Tropez, faisant du petit port alors inconnu un lieu de ralliement des artistes au début du siècle, à la recherche de sujets à peindre, d'un espace naturel dont ils voulaient célébrer le charme propre, il joue un rôle d'intercesseur, de propagateur, de passeur.
C'est aussi l'aspect intimiste de son uvre que révèle l'exposition. On l'y voit, à ses débuts, dans la force d'une écriture qui se veut réaliste, mais surtout, dans le voisinage étroit de Caillebotte, dont bien des choses le rapprochent, scrutateur attentif des scènes qui scandent la vie bourgeoise. Ils sont tous deux enfants de la bourgeoisie commerçante, lettrée, amateurs de nautisme, collectionneurs, et la part de mélancolie exprimée dans l'uvre de Caillebotte lorsqu'il aborde des sujets de la vie bourgeoise se retrouve chez Signac dans une quasi identique réserve. Plus classique chez Caillebotte ; porteuse de cette intensité lumineuse qui est l'une des constantes de son art chez Signac.
Peintre, mais aussi écrivain, Signac a laissé des textes théoriques et de réflexion qui vont largement influencer les jeunes générations qui suivent sa trace au début du siècle, Matisse, en particulier. Cette double activité, de théoricien, de passeur, vont placer Signac à une position unique qui font parfois oublier le peintre talentueux qu'il fut.
C'est l'exposition de la raison, qui triomphe en une période qui fut celle des grandes questions.
Signac. Galeries nationales du Grand Palais, jusqu'au 28 mai. L'exposition ira ensuite au Van Gogh Museum d'Amsterdam (15 juin-9 septembre) et au Metropolitan Museum of Art de New York (9 octobre-3 décembre). Un important catalogue avec un bonne biographie. Editions RMN.
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