« Jusque récemment, dans la grande entité des TUBA (troubles urinaires du bas appareil) chez l'homme, on pensait que tout était lié à la prostate » rappelle le Pr Alexandre de la Taille, chirurgien urologue, responsable de la chirurgie mini-invasive robotique à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. « Mais il apparaît de plus en plus clairement que le vieillissement de la vessie est aussi en cause, ainsi que, dans une moindre mesure, la commande nerveuse, le diabète, l'inversion de la diurèse, la prise de diurétiques... Bref, les TUBA sont en fait multifactoriels. »
D’ailleurs, pendant longtemps, les TUBA ont été traités chez la femme par des antimuscariniques (pour une hyperactivité de la vessie, donc), alors que, pour des symptômes similaires, c'est la prostate qui était ciblée chez les hommes (que ce soit par traitement médical ou chirurgical). Avec des résultats pas toujours au rendez-vous. Ce choix est aujourd'hui largement remis en question.
Distinguer HBP et hyperactivité vésicale
Mais avant de traiter, il importe bien sûr de distinguer les différentes pathologies sous-jacentes dans les TUBA, ou plus précisément les SBAU (symptômes du bas appareil urinaire), comme ils sont dorénavant nommés). Ce qui passe par une remise à plat sémantique. Dans un ouvrage sur l'HBP et les SBAU chez l'homme, paru en novembre 2011 à l'Oxford University Press, le Pr Jean de la Rosette, urologue à l'Academic Medical Center d'Amsterdam ( Pays-Bas), souligne que « le mésusage de ces terminologies peut conduire à une confusion chez les cliniciens et les patients, et à une prise en charge inadéquate de la pathologie à l'origine des SBAU chez l'homme. » Il précise que « les SBAU sont un indicateur subjectif de maladie » : avoir des troubles urinaires quels qu'ils soient, et un IPSS (score international symptomatique de la prostate) élevé chez un homme ne suffit pas à impliquer sa prostate. De son côté, « l'HBP représente un diagnostic histologique, se référant à la prolifération des cellules épithéliales et du muscle lisse dans la zone de transition prostatique ».
Pour aller au-delà de la simple valeur de l'IPSS, et de l'association systématique d'un symptôme urinaire masculin à la prostate de celui qui en souffre, le Pr de la Taille suggère dans un premier temps réaliser un diagnostic différentiel en fonction du type de symptômes. « Les symptômes obstructifs (diminution de la force du jet, dysurie, gouttes retardataires...) signalent plutôt une grosse prostate, que l'on pourra d'ailleurs observer à l'échographie, alors que les symptômes irritatifs (jet normal, mais impériosités, fuites, pollakiurie et nocturie) indiquent plus généralement une hyperactivité vésicale » propose-t-il.
Les dernières recommandations de la HAS datant de 2003, quant à elles, ne permettent pas de diagnostiquer l'HBP et l'hyperactivité vésicale dans ce nouveau paradigme. De leur côté, les recommandations de l'EAU, mises à jour en février 2012, suggèrent, en plus de l'interrogatoire du patient sur ses symptômes et sa qualité de vie, puis de l'examen physique (TR), de pratiquer des analyses d'urine et de sang (dont PSA), une échographie de la prostate, des reins et de la vessie, une urodébitmétrie et une mesure du volume résiduel post-miction.
Traitements : les nouveautés
L'autre point qui agite la communauté des urologues est celui des nouveaux traitements de l’hyperactivité vésicale comme de l’HBP.
Dans la prise en charge de l'hyperactivité vésicale, tout d’abord, si les antimuscariniques se sont affirmés, d'autres commencent aussi à faire leurs preuves. Les injections de toxine botulique, par exemple, qui sont pour l'instant approuvées uniquement en cas d'hyperactivité du detrusor d'origine neurogène, apportent aussi des résultats préliminaires encourageants dans l’hyperactivité vésicale en général. Comme l'a indiqué le Pr Francisco Cruz, de la faculté de médecine de Porto au Portugal, « l'injection de toxine botulique permet de faire diminuer la fréquence des épisodes d’incontinence. Son effet est dose-dépendant, mais attention : les effets secondaires (rétention urinaire et nécessité d'auto-sondage) sont aussi plus nombreux aux doses plus élevées. Elle est efficace chez les patients réfractaires aux anticholinergiques à cause des effets secondaires de ceux-ci. En revanche, chez les patients qui ne répondent pas ou mal aux anticholineriques, l’efficacité de la toxine botulique est moindre. »
Une autre alternative aux antimuscariniques est celle des agonistes des bêta- adrénorécepteurs, en particulier le mirabegron, qui entre dans son dernier stade de développement. « Les résultats d'une étude de phase III menée en Europe et en Australie ont montré de meilleurs résultats (en terme de nombre d'épisodes d'incontinence) du mirabegron par rapport à la toltérodine, un antimuscarinique » a rapporté le Pr Christopher Chapple, du Royal Hallamshire Hospital à Sheffield, au Royaume-Uni. Les effets secondaires les plus fréquents du mirabegron sont la constipation et la sécheresse buccale.
Côté HBP, les traitements approuvés en France sont la phytothérapie, les alpha-bloquants et les inhibiteurs de la 5 alpha réductase, chacun utilisés en monothérapie. Toutefois, la combinaison de ces deux dernières classes commence à faire ses preuves dans l'HBP, ainsi que l'indique l'étude combat. Par ailleurs, de nouveaux alpha bloquants émergent aussi. L'actualité se tourne surtout vers l'usage des IPDE5. « C'est le tadalafil en prise quotidienne de 5mg qui sort du lot, avec une amélioration de certains symptômes (le score global de l'IPSS diminue de façon significative de 2,8 points par rapport au placebo), de la qualité de vie, mais avec un faible impact sur le débit urinaire (Qmax), précise le Pr de la Taille. Il devrait obtenir son AMM fin 2012 en Europe dans cette indication. » Côté chirurgie, « on a aujourd'hui le choix entre la résection de la prostate, et l'adénectomie par voie haute quand la prostate est de trop grande taille, et on envisage aujourd'hui l'énucléation par endoscopie, même pour une grosse prostate » poursuit le spécialiste.
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