S IGNÉS les 13 et 14 mars 2000 par plusieurs organisations syndicales et la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de l'époque, les « protocoles Aubry » ont dans l'ensemble tenu leurs promesses. Avec quelques retards à l'allumage, les 10,1 milliards de francs dévolus sur trois ans aux personnels hospitaliers ont largement été entamés tandis que les médecins ont perçu les premiers dividendes du milliard et demi qui leur a été octroyé en année pleine.
Chez les personnels, la liste des engagements était longue et tous n'étaient pas assortis d'une échéance. Néanmoins, les financements prévus étaient très précisément fixés, ce qui a sans doute permis d'avancer rapidement. Les crédits débloqués pour les remplacements de personnels absents ou en congés (2 milliards de francs par an) sont bien arrivés dans les services en 2000 et ils sont reconduits en 2001. Même chose, en dépit d'un « manque de lisibilité » regretté par la CFDT, pour les 100 millions destinés à la prévention de la violence, les 300 millions voués au renforcement des services d'urgence, ou les 600 millions (500 en 2001) dégagés pour le soutien, via le FIHMO (Fonds d'investissement hospitalier pour la modernisation), à l'investissement des hôpitaux. Comme prévu, l'accompagnement social de l'évolution du paysage hospitalier a été toiletté : doté de 800 millions en 2000 et de 300 millions en 2001, le FMES (Fonds de modernisation des établissements de santé, qu'installera officiellement la loi de modernisation sociale) remplacera le FASMO (Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux) et les hôpitaux peuvent dès à présent demander à en bénéficier.
Dans l'ensemble, le système semble avoir si bien fonctionné que c'est son avenir qui inquiète maintenant les hospitaliers : « La seule interrogation pour nous aujourd'hui, c'est de savoir dans quelle mesure ces crédits vont être pérennisés », explique Patrice Barberousse, président du SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers).
Divergences d'appréciation
Sur le fond toutefois, la mise en musique de ces « mesures immédiates » du protocole Aubry n'a pas séduit tout le monde. Et surtout pas les réfractaires de la première heure. SUD, qui, tout comme la CGT, n'a pas signé l'accord du 14 mars 2000, dénonce des « replâtrages évidents » qui n'ont ni « renversé radicalement le sens des choses » ni « permis d'avancées notables pour les personnels ».
Par ailleurs, chapitre important de l'accord, le renforcement de la contractualisation interne aux hôpitaux sur les questions sociales a fait son chemin. Le principe du projet social d'établissement est ainsi inscrit dans le projet de loi de modernisation sociale à paraître. Sans attendre le feu vert du législateur, plusieurs hôpitaux se sont lancés dans l'aventure de ces projets sociaux ainsi que dans celle des contrats locaux d'amélioration des conditions de travail. Et tandis que SUD fait une nouvelle fois la fine bouche, la CFDT salue une nouvelle « dynamique ».
Le gouvernement avait promis de revoir le déroulement de l'ensemble des carrières hospitalières, c'est quasiment chose faite (voir ci-contre). Il s'était engagé à revoir les conditions de la formation professionnelle des hospitaliers, les textes seraient en cours de rédaction. Et la réduction du temps de travail, actuellement en négociation, devra, comme prévu, être effective à la fin de l'année. Deux petites ombres au tableau : faute de candidats, les objectifs n'ont pas été atteints en ce qui concerne l'augmentation des quotas nationaux d'entrées en écoles d'infirmières et la question du renforcement des équipes de médecine du travail à l'hôpital n'a pas encore été abordée.
Du côté des médecins, le bilan est plus mitigé. Deux mesures sont sur les rails : la prime d'exercice public exclusif (25 000 francs par an) est entrée dans les murs et la revalorisation générale des carrières est effective ou le sera à la fin du mois.
Même si elle n'est pas encore versée dans une majorité d'hôpitaux, la nouvelle version de la prime multi-établissements, allouée aux praticiens partageant leur activité sur plusieurs sites, suit également son cours. En revanche, la reconnaissance de la pénibilité de certains postes patine : le dispositif devait fonctionner dès septembre 2000, il ne sera sans doute pas prêt en 2001. Même chose pour le repos de sécurité après une garde, qui ne sera finalement traité que dans le cadre de la réduction du temps de travail, un chantier ouvert comme promis par le protocole mais qui n'a plus que huit mois et demi pour porter ses fruits. Des ateliers ont enfin été installés sur l'avenir des urgences et de la psychiatrie, qui laissent les syndicats dans l'expectative : « Il s'agit de savoir, résume le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), si ce sont des groupes pour attendre ou des groupes pour travailler. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature