De la clinique aux explorations

Un point sur les troubles du sommeil

Publié le 09/09/2010
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Crédit photo : PHANIE

Simples outils de consultation

Un français sur quatre dort mal mais rares sont ceux qui abordent le sujet du sommeil au cours de la consultation médicale ou alors dans les 5 dernières minutes avant de partir. Quelques questions, un examen clinique et de simples outils, comme les questionnaires et l’agenda du sommeil, faciles à utiliser au cours d’une consultation dédiée au sommeil, permettent déjà de distinguer les principaux troubles du sommeil.

L’agenda du sommeil est l’un des meilleurs moyens d’investigation des troubles du sommeil. Il permet d’analyser le sommeil sur une période prolongée (généralement 3 semaines à 1 mois), d’observer les habitudes et l’hygiène de sommeil (siestes, prise d’hypnotiques, horaires décalés en fin de semaine) d’une personne, d’évaluer de façon subjective ses horaires de sommeil, ses délais d’endormissement, ses éveils nocturnes, ainsi que la qualité de son sommeil. Son utilisation a été recommandée en médecine générale comme le précisent les RPC « Prise en charge de l’insomnie en médecine générale ».

Le questionnaire de Spiegel permet également d’évaluer les paramètres du sommeil des deux nuits précédentes.

L’échelle de somnolence d’Epworth est un questionnaire d’auto-évaluation qui permet d’apprécier le niveau habituel de somnolence diurne dans des situations ordinaires;

Le chronotype de Munich est utile pour apprécier le profil circadien « soir-matin » et d’éventuels troubles de l’horloge circadienne.

Le questionnaire de Berlin est conçu pour dépister les apnées du sommeil.

Le questionnaire des troubles du sommeil de l’Hôtel Dieu HD-22 a été validé dans la population française pour le dépistage des différents troubles du sommeil selon les définitions des classifications internationales.

La répétition de ces différentes échelles à intervalles réguliers permet une certaine « quantification » du trouble. L’interrogatoire du patient et les réponses aux questionnaires permettent déjà de déterminer le symptôme principal, son ancienneté, ses répercussions diurnes.

Différents types de troubles

1. Insomnie d’endormissement, de maintien du sommeil ou par réveil précoce ;

2. somnolence diurne excessive, endormissements involontaires en situation d’inactivité ;

3. sensation de sommeil non réparateur ;

4. ronflements, apnées signalées par l’entourage ;

5. impatiences dans les membres inférieurs, prédominant en fin de journée et le soir dans le lit, causes d’insomnie ;

Il faut faire préciser le caractère évolutif des troubles, leur ancienneté , leurs conséquences personnelles (fatigue, irritabilité, maux de tête, etc.…) et professionnelles (baisse de l’efficacité, de la productivité, diminution de l’attention, de la mémoire, etc.…), les éventuels traitements et leur efficacité.

Panorama des troubles du sommeil

L’insomnie, véritable pathologie du sommeil et de l’éveil, vient largement en tête des plaintes portant sur le sommeil. En France, elle concerne plus de 12 millions de Français, soit un adulte sur trois, et est déclarée sévère par un tiers des personnes qui en souffrent.

C’est une plainte purement subjective dont la définition s’appuie sur des critères (1), (2) qui permettent de la différencier de simples plaintes de mauvais sommeil.

On parle d’insomnie chronique lorsque les plaintes persistent au delà de trois mois.

Le diagnostic d’insomnie est purement clinique.

Le traitement associe les médicamenteux symptomatiques (essentiellement zolpidem et zopiclone) aux méthodes non médicamenteuses : relaxation, restriction du temps passé au lit, contrôle du stimulus, thérapies cognitives et comportementales.

Les hypersomnies et le risque accidentel

Les troubles de l’éveil: somnolence, hypersomnies, qui concernent 10% des français, augmentent le risque, à plus ou moins long terme, d’accident de voiture ou de travail. (3) A côté des étiologies rares, les trois principales causes de somnolence ou d’hypersomnie à rechercher en première intention sont la dette chronique de sommeil, le syndrome d’apnées du sommeil et la narcolepsie.

La dette chronique de sommeil est la cause de somnolence la plus évidente à rechercher en priorité. (Agenda du sommeil, questionnaires). Elle concerne surtout les jeunes (18-25 ans), les jeunes couples avec enfants, les travailleurs de nuit et à horaires décalés. (4)

Les apnées du sommeil qui concernent 2 à 4% de la population (5) sont définies comme des arrêts respiratoires répétés (ou diminution de l’amplitude respiratoire d’au moins 50% associée à une désaturation = hypopnées) d’au moins dix secondes survenant au cours du sommeil. On parle de syndrome d’apnées du sommeil à partir de 10 apnées- hypopnées par heure. Il faut systématiquement y penser devant un patient qui présente une importante somnolence diurne ou des troubles de la concentration et de la mémoire, et pas uniquement chez un obèse qui ronfle. Les arrêts respiratoires fragmentent le sommeil et l’empêchent d’être suffisamment réparateur. Le retentissement est important non seulement sur la qualité de la journée car la somnolence diurne peut être responsable d’accidents du travail ou de la voie publique, mais aussi sur l’état général du patient; le syndrome d’apnées du sommeil augmente le risque de complications vasculaires à type d’hypertension artérielle, accidents cardiaques ou vasculaires cérébraux. (6)

Le diagnostic est confirmé par l’enregistrement des paramètres ventilatoires au cours du sommeil. Le traitement de référence, la ventilation nocturne en pression positive continue (PPC) est très efficace mais souvent difficilement accepté par le patient.

La narcolepsie ou Maladie de Gélineau, est une hypersomnie rare (prévalence 0.025%) dont le diagnostic clinique (7) est confirmé par l’enregistrement polysomnographique dans un laboratoire de sommeil et le test itératif de latences d’endormissement.

Le syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil dont la prévalence est estimée à 8,5 % dans la population française, sont responsables d’une fragmentation du sommeil et d’insomnies d’endormissement. Ils doivent être systématiquement recherchés par l’interrogatoire du patient et du conjoint ou de l’entourage.

En pratique, le recours à une polysomnographie (PSG) (8) ne doit pas être systématique mais réservé à la suspicion d’un trouble respiratoire, de mouvements périodiques des jambes ou d’insomnie avec somnolence diurne importante

Le Pr Damien Léger propose dans son dernier ouvrage « Le sommeil dans tous ses états” », une mise au point sur ces troubles avec de nombreuses explications sur l’évolution des découvertes sur le sujet, sur les variations du sommeil au cours de la vie et sur les moyens dont nous disposons pour bien dormir. A conseiller aux patients.

Le sommeil dans tous ses états

Editions Plon

234 pages

19,90 euros

Références bibliographiques

(1) Edinger JD, Bonnet MH, Bootzin RR, Doghramji K, Dorsey C, Epsie CA, Jamieson A, Mccall WV, Morin CM, Stepanski EJ. Derivation of research diagnostic criteria for insomnia: report of an American academy of sleep medicine work group. Sleep.2004;27:1567-92.

(2) National Institutes of Health State of the Science Conference statement on Manifestations and Management of Chronic Insomnia in Adults. Sleep. 2005;28(9):1049-57.

(3) Leger D, Paillard M. Troubles de la vigilance et conduite automobile. Rev Neurol. 2000;156(11):955-7.

(4) Emmanuelli J, Giordanella J.P, Raffray T, Muzet A, Leger D. Insomnie et environnement des franciliens. XXème Congrès de la Société Française de Recherche sur le Sommeil. Lyon, 24-26 nov

2005.

(5) Ohayon MM. Prévalence et comorbidités des troubles du sommeil dans la population générale. Rev Prat. 2007; 57(14):1521-8.

(6) Culebras A, Cerebrovascular disease and the pathophysiology of obstructive sleep apnea. Curr Neurol Neurosci Rep. 2007;7(2):173-9.

(7) Billiard M. Le sommeil normal et pathologique. Paris, Masson éd 1998(11):278-92.

Dr PASCALE OGRIZEK Pr DAMIEN LÉGER. Centre du Sommeil et de la Vigilance. Hôtel Dieu de Paris.APHP Faculté paris Descartes. 1 place du Parvis Notre Dame 75181 Paris Cedex 04 www.sommeil-vigilance.fr/www.je-dors-trop.fr

Source : Le Quotidien du Médecin: 8811