Lupus érythémateux systémique

Un syndrome complexe à facettes multiples

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Publié le 02/06/2016
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Avec une prévalence de 1 pour 1000 à 1 pour 3 000 et un nombre de patients estimé en France de 30 000 à 60 000 personnes, dont 90 % de femmes, le lupus est bien une maladie dite « rare », bien qu’elle soit la maladie auto-immune la plus fréquente dans notre pays.

Pour autant, de nombreux téléspectateurs adeptes de la série « Dr House » ont forcément entendu parler de cette pathologie, tant son héros, un interniste aux méthodes peu orthodoxes, la cite à longueur d’épisodes. Il faut dire que le lupus est bien le candidat parfait à la dramaturgie d’un scénario construit comme une enquête policière, où il s’agit de trouver un coupable capable d’endosser de multiples visages et personnalités : ses causes sont multiples (prédisposition génétique, facteurs environnementaux, hormonaux et immunologiques), les signes cliniques qui le caractérisent sont hétérogènes (éruptions cutanées, arthrite, photosensibilité, atteinte rénale, troubles neurologiques, anémie…) et il peut affecter de nombreux organes et tissus (peau, reins, articulations, cœur, poumons, système nerveux, etc.)

Un syndrome plutôt qu’une maladie

Pour le Pr Jean Sibilia, chef du service de rhumatologie du CHU de Strasbourg et responsable, dans la même ville, du Centre national de références des maladies auto-immunes systémiques, « le lupus n’est pas une maladie, mais un syndrome doté de multiples facettes et répondant à des mécanismes moléculaires certainement différents ». On distingue ainsi trois niveaux d’atteinte : légères, modérées et sévères avec un pronostic vital ou fonctionnel qui peut être engagé dans le dernier cas. Pour autant, le manque de spécificité du LES complique le diagnostic. Dans un cas sur deux, il est révélé par des manifestations rhumatologiques qui persistent généralement tout au long de l’évolution de la maladie. Des manifestations dermatologiques sont également présentes dans 80 % des cas, avec en particulier une éruption cutanée sur le visage, parfois assortie d’un œdème (le « masque de loup »). Le diagnostic repose donc sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques convergents et peut être affirmé lorsque le patient présente au moins quatre des onze critères de la classification de référence établie par le Collège américain de rhumatologie.

Nouvelles cibles thérapeutiques

À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif pour le LES. Les seuls qui sont disponibles visent à réduire l’inflammation et la douleur associée. Le Pr Éric Hachulla, interniste à l’Hôpital Claude Huriez (Lille) rappelle à cet effet que « le traitement d’ancrage, même quand le patient présente peu de symptômes, repose sur un antipaludéen de synthèse, le Plaquénil (hydroxychloroquinine) qui réduit de 50 % les complications ». Pour ce qui est du traitement des poussées, il doit s’adapter à leur gravité et aux organes affectés. Il est généralement basé sur l’utilisation, seule ou en association, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), de corticoïdes et d’immunosuppresseurs. Dans certains cas, et après avis du centre de référence, il est possible de recourir à l’utilisation du rituximab, un anticorps monoclonal anti-CD20. Si la survie s’est nettement améliorée au cours des 10 dernières années, elle reste cependant inférieure à celle de la population générale et aucune diminution du risque de progression vers une insuffisance rénale chronique n’a été enregistrée. De même, le risque de lésions séquellaires ne s’est pas amélioré malgré les avancées thérapeutiques.

Aujourd’hui, la recherche clinique est en train de développer une soixantaine de produits qui peuvent être répartis en trois catégories : modulateurs de cytokines, inhibiteurs de kinases intracellulaires et inhibiteurs/modulateurs de lymphocytes B et/ou T. Parmi les nouvelles approches thérapeutiques en développement, l’interféron représente d’ailleurs l’une des cibles privilégiées.

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9501