Les psychothérapies de demain

Une adaptation aux nouvelles technologies

Publié le 17/12/2015
Article réservé aux abonnés

Continuerons-nous à juger raisonnable de proposer le déplacement (sa durée, son coût et parfois sa pénibilité) à des personnes qui suivent une psychothérapie au cabinet du spécialiste ? « Il est probable, explique le Pr Roland Jouvent, que l’intimité du boudoir psychothérapique, et historiquement psychanalytique, soit réservée dans les années à venir à un petit nombre de privilégiés. Les personnes éloignées d’un cabinet de psychiatre ou de psychologue pourront entreprendre des thérapies sans assumer trois heures de transport par semaine, et ceci grâce aux nouveaux moyens de communication ».

Ce grand bouleversement est tout à fait envisageable. Il suffit en effet d’observer la manière de communiquer des enfants d’une dizaine d’années aujourd’hui et d’imaginer que, dans dix ans, l’adulte qu’il sera devenu et qui aura le souhait et/ou le besoin de faire une psychothérapie trouvera incongru de faire de longs déplacements pour aller parler à quelqu’un, alors que c’est ce qu’il fait le soir tranquillement avec ses copains devant un écran. Cette pratique commence à naître aux États-Unis. En France, la démarche est plus difficile à mettre en place car la facturation des soins à distance est interdite.

Un bouleversement en appelle un autre

L’autre révolution sera d’ordre sociologique. De nombreux individus qui n’ont pas accès aux psychothérapies du fait de leur appartenance à certains groupes sociaux ou à une classe d’âge, ou encore parce qu’ils sont atteints de maladies qui rendent difficiles un déplacement, pourront dans l’avenir bénéficier d’une psychothérapie à distance.

Certains paramètres médicaux sont déjà évalués sur les smartphones. Pourquoi ne pas y proposer une évaluation de l’humeur, de l’anxiété ? Les données seraient transmises à un ordinateur et à un médecin régulateur qui gérera l’aspect psychothérapie de soutien.

La psychothérapie classique ne peut pas résister à cette évolution, sauf pour un certain nombre de cas privilégiés. Quant à la psychothérapie institutionnelle, elle prendra probablement le même chemin. Ne serait-ce que pour des raisons économiques qui tendent à réduire les participants humains au profit des outils de substitution.

«Nos cerveaux seront moins opérateurs qu’aujourd’hui ; ils deviendront de plus en plus des organisateurs de données et de savoir, souligne le Pr Jouvent. Certes, face aux nouveaux moyens de communication, la notion d’intimité devient précaire et relativise complètement le secret de l’alcôve. L’identité et la confidentialité vont être confrontées à une reconfiguration. Ce peut être délicat mais c’est inévitable. Reste que les psychothérapies en cabinet ne sont pas menacées pour autant. Il faudra toujours dans certains cas, préserver l’entretien en cabinet ».

Entretien avec le Pr Roland Jouvent, chef du service de psychiatrie, hôpital Pitié-Salpétrière, Paris
Dr Brigitte Martin

Source : Bilan spécialiste