CONGRES HEBDO
13-16 MARS 2001 - PALAIS DES CONGRES - PARIS
L'étude PARTNERS (PAD Awarness Risk and Treatment : NEw Ressources for Survival), dont les résultats ont été présentés lors de deux récents congrès de cardiologie (ESC* et AHA**), a été menée aux Etats-Unis dans 320 centres de médecine générale, de 27 villes américaines. « C'est une étude de connaissance et de prévalence de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) », précise le Dr Serge Kownator.
1,6 million d'artéritiques en France
L'étude a porté sur 7 000 patients considérés comme patients à risque et ainsi définis : sujets âgés de 70 ans et plus, ou âgés de 50 à 69 ans, diabétiques et/ou fumeurs. Les investigateurs ont transmis aux médecins un questionnaire et leur ont demandé de mesurer l'index de pression résiduelle cheville/bras ; le seuil pathologique étant défini comme un index de pression résiduelle inférieur ou égal à 0,9.
Les résultats montrent qu'il existe une sous-estimation importante de l'artériopathie : 13 % des sujets inclus présentent une AOMI isolée ; dans 16 % des cas, l'AOMI est associée à une autre atteinte artérielle et, dans 24 % des cas, les malades sont porteurs de maladie cardio-vasculaire sans artériopathie (atteinte coronaire ou des troncs supra-aortiques).
Dans cette population, 47 % des sujets sont indemnes de toute pathologie artérielle. Cependant, chez les sujets qui ont une AOMI, le diagnostic est ignoré dans 45 % des cas. Chez ceux qui sont à la fois artériopathique et coronarien ou qui présentent une atteinte vasculaire cérébrale, le diagnostic est ignoré dans 65 % des cas.
Chez les patients coronariens ou qui ont une atteinte vasculaire cérébrale associée à l'AOMI, celle-ci est ignorée dans 65 % des cas.
« Dans un cas sur deux, le malade présente une artériopathie qu'il ignore,
s'inquiète le Dr Kownator.
On peut facilement imaginer que le patient adapte son mode de vie à sa douleur, ou ne souffre pas. Parfois, aussi, il peut s'agir d'une sous-estimation du praticien. »Chez les sujets âgés de 60 à 70 ans, 6 % sont artéritiques.
D'après les grandes études, on estime de façon statistique que si on attribue la valeur 1 aux formes symptomatiques, le rapport entre symptomatiques et asymptomatiques serait de 1 selon les estimations les plus basses et à 6 selon les plus hautes, soit six fois plus d'asymptomatiques que de symptomatiques.
« Je pense qu'en France nous sommes dans un rapport de 1/1,
estime le Dr Kownator.
Donc, si on transpose ce raisonnement aux données épidémiologiques qui évaluent à 800 000 le nombre d'artéritiques connus, cela signifie qu'on compte en France environ 1 600 000 AOMI. »Un projet épidémiologique allant dans ce sens se construit pour connaître de façon plus précise le nombre d'AOMI.
Plusieurs raisons permettent d'expliquer l'absence de consultation systématique, y compris lorsque l'AOMI est douloureuse. Elles diffèrent selon le lieu d'habitation. En milieu urbain, il semble que seulement 10 % des patients claudicants consultent - 90 % s'adaptent à leur état -, alors que, en milieu rural, la moitié des sujets consulte, vraisemblablement parce que le besoin de marcher est plus naturellement nécessaire.
Un marqueur de risque vasculaire global
L'AOMI apparaît incontestablement comme un marqueur de risque vasculaire global. Chez les patients atteints d'AOMI, en fonction de la méthode utilisée, invasive ou non invasive, pour valider l'insuffisance coronaire, on peut retrouver jusqu'à 60 % d'atteinte coronarienne. Lors d'une étude réalisée à la Cleveland Clinic, où les coronarographies ont été réalisées de façon systématique chez tout artéritique, les investigateurs diagnostiquent 90 % de lésions coronaires, dont 28 % tritronculaires. « Cette étude de population ne peut être considérée comme une étude de référence, mais elle montre bien que l'artérite constitue un marqueur de mauvais pronostic, d'ailleurs, la mortalité de ces sujets est de l'ordre de 25 % à cinq ans ! » La prévalence des atteintes vasculaires cérébrales est de 25 à 50 %. En ce qui concerne les autres localisations, un coronarien ou un sujet vasculaire est artéritique dans un tiers des cas.
L'index cheville/bras est, lui aussi, un marqueur de risque.
Une baisse de cet index constitue un risque d'événements cardio-vasculaires et de décès. Dans l'étude d'Edimbourg, le taux de mortalité toute cause cardio-vasculaire confondue est de 4 % (Lendg et Fawkes, « BMJ », 1996) lorsque l'index est strictement normal (supérieur à 1,1), de 8 %, entre 0,9 et 0,7, et de 21 % quand il est extrêmement abaissé (inférieur à 0,7). Toutes les données des grandes études (Framingham) sont concordantes.
Le rôle du médecin généraliste est de détailler l'interrogatoire chez les sujets à risque. Les recommandations stipulent que l'interrogatoire, l'examen clinique, c'est-à-dire la palpation des pouls, l'auscultation des sites artériels, mais aussi l'auscultation cardiaque et pulmonaire, et une palpation abdominale sont nécessaires, « moyennant quoi, on peut avoir une approche diagnostique et une ébauche de cartographie lésionnelle », poursuit le Dr Kownator. Un examen clinique précis - certains anévrismes de l'aorte abdominale se détectent à la palpation - et la mesure de l'index de pression sont donc requis.
Une cartographie précise des lésions
Le rôle du cardiologue est d'établir une cartographie précise des lésions artérielles par un examen écho-Doppler : il doit préciser le type de lésions et le degré de sténose, et une éventuelle association avec un anévrisme. « C'est ce qu'on peut appeler une angiographie ultrasonore », souligne le spécialiste.
Rechercher la sténose de l'artère rénale
Le cardiologue doit rechercher, comme tout praticien face à une artérite, l'extension de la maladie artérielle aux coronaires ou aux vaisseaux du cou. « S'il s'agit d'un sujet hypertendu, il faut rechercher une sténose de l'artère rénale, car sa prévalence atteint 25 % chez l'artéritique », précise le Dr Kownator.
La stratégie du bilan d'extension n'est, à l'heure actuelle, pas encore bien validée, en particulier en termes de rapport coût/efficacité. Les recommandations stipulent un ECG de repos chez tous les malades. Selon celles-ci, l'épreuve d'effort est indiquée au cas par cas en fonction de la symptomatologie, du terrain. Souvent, ce test d'effort n'est pas réalisable en raison de la claudication intermittente et une étude française montre qu'un mini-effort peut alors être suffisant. On est cependant tenté de préconiser soit un Thallium-Persantine, soit un écho de stress qui a fait ses preuves chez les sujets devant bénéficier d'une chirurgie vasculaire lourde.
« Il faut systématiquement programmer un écho-Doppler des troncs supra-aortiques, car bon nombre de sujets ont d'authentiques sténoses carotidiennes sans aucun souffle. L'écho-Doppler permet également de diagnostiquer et de quantifier les sténoses des artères rénales. »
Enfin, l'angiographie chez les patients atteints de claudication intermittente n'est, la plupart du temps, indiquée que si on a pris une décision de traitement chirurgical ou endo-vasculaire. L'artériographie diagnostique ne devrait, sauf cas particulier, plus faire partie des examens proposés en raison de son caractère invasif et de son coût, d'autant que les examens non invasifs ont fait la preuve de leur fiabilité.
Toujours traiter médicalement, d'abord
« Tous les patients nécessitent un traitement médical, affirme le Dr Kownator, pour freiner l'évolution de la maladie. » La prise en charge des facteurs de risque (traitement du diabète, arrêt de la consommation tabagique, équilibre de la tension artérielle, traitement de l'hypercholestérolémie) est un enjeu prioritaire.
Soixante-quinze pour cent des patients ne seront jamais opérés ou n'auront jamais d'angioplastie.
« La marche est un élément primordial du traitement.
La prescription comporte l'administration associée d'un antiagrégant plaquettaire et d'un vasoactif comme le Fonzylane* (buflomédil) », conclut le Dr Kownator.
D'après un entretien avec le Dr Serge Kownator, Bordeaux, dans le cadre d'un symposium parrainé par le laboratoire Lafon.
* ESC:European Society of cardiology
** AHA:American Heart Association
La mesure de l'index cheville/ bras
L'index de la pression résiduelle se mesure au mini-Doppler : cette mesure se fait par un brassard posé juste au-dessus de la cheville. La sonde du doppler enregistre soit sur l'artère tibiale postérieure, soit sur l'artère pédieuse. La mesure de la pression systolique de la cheville est comparée à la pression humérale. Le rapport des deux donne l'index de pression résiduelle. Le mini-Doppler ne permet pas de faire un diagnostic lésionnel, qui reste du ressort du spécialiste. Ces données peuvent toutefois servir de référence, bien que la reproductibilité de l'index de pression résiduelle ne soit pas excellente.
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