Si « Le Généraliste » était paru en mars 1708

Une auto-observation de Saint-Simon sur son phlegmon de l’avant-bras

Par
Publié le 12/03/2016
Histoire

Histoire

« Je tombai en ce temps-là dans un fâcheux accident. Je me fis saigner parce que je sentois que le sang se portoit à la tête, et il me sembla l’avoir été fort bien. Je sentis la nuit une douleur au bras, que Le Dran, fameux chirurgien, qui m’avoit soigné, m’assura ne venir que d’une ligature trop serrée.

Pour le faire court, en deux jours le bras s’enfla plus gros que la cuisse, avec la fièvre et de grandes douleurs ; on me tint autres deux jours avec des applications dessus pour dissiper le mal par l’ouverture de la saignée, de l’avis des plus grands chirurgiens de Paris.

M. de Lauzun, qui me trouva avec raison fort mal, insista pour avoir Maréchal, et s’en alla à Versailles le demander au roi, sans la permission duquel il ne venait point à Paris, et il ne découchoit presque jamais du lieu où le roi étoit. Il eut permission de venir, de découcher et même de séjourner auprès de moi. En arrivant le matin, il m’ouvrit le bras d’un bout à l’autre. Il étoit temps, l’abcès gagnoit le coffre, et se manifestoit par de grands frissons. Il demeura deux jours auprès de moi, vint après plusieurs jours de suite, puis de deux jours l’un. L’adresse et la légèreté de l’opération, des pansements et de me mettre commodément dépasse l’imagination. Il prit prétexte de cet accident pour parler de moi au roi, qui après que je fus guéri m’accabla de bontés. Chamillart était enfin venu à bout de raccommoder avec lui quelque temps auparavant.

Tout ce que dit Maréchal acheva. J’avais fait un léger effort du bras le jour de la saignée auquel j’attribuois l’accident, et je voulus que Le Dran me saignât dans le cours de cette opération pour ne pas le perdre. Maréchal et Fagon ne doutèrent pas que le tendon n’eût été piqué. Par des poids qu’on me fit porter, mon bras demeura dans sa longueur ordinaire, et je ne me suis pas senti depuis. J’avois jour et nuit des meilleurs chirurgiens de Paris auprès de moi, qui se relevoient.

(Extrait des « Mémoires » du duc de Saint-Simon paru dans « La Chronique médicale », mars 1914)


Source : lequotidiendumedecin.fr