« LA PLACE de l’anesthésie-réanimation, au sein des services d’urgences, est bien sûr essentielle. Mais il est important qu’elle soit définie en lien étroit avec les urgentistes », explique le Pr Pierre Michelet. Selon lui, l’anesthésie-réanimation a d’abord joué un rôle historique dans la naissance puis le développement de la médecine d’urgence. « Aujourd’hui, la grande majorité des praticiens hospitaliers (PH) qui sont en poste dans les services d’urgence sont issus de la filière médecine générale. Certains ont passé la capacité de médecine d’urgence et d’autres, plus récemment, le Diplôme d’études spécialisées complémentaire (DESC). Mais les chefs de services sont, eux, très largement issus de trois spécialités : l’anesthésie-réanimation, la thérapeutique et la réanimation médicale », explique le Pr Michelet, en ajoutant que l’anesthésie-réanimation a accompagné la maturation de la spécialité. « Les anesthésistes ont joué un rôle reconnu dans la naissance de cette spécialité pour laquelle, on peut le rappeler, il n’existe pas encore de diplôme d’études spécialisées (DES). Cela étant, il existe une volonté forte, tant de la part des sociétés savantes que du gouvernement, pour qu’un DES de médecine d’urgence voie le jour dans les années à venir ».
Le Pr Michelet cite deux situations précises où la collaboration entre urgentistes et anesthésistes-réanimateurs s’avère indispensable : les urgences vitales et la douleur. « Il est clair que les anesthésistes-réanimateurs ont un rôle important dans la prise en charge des urgences vitales. En effet, tous les patients, présentant un risque vital latent ou patent, ne peuvent pas être orientés directement en unité de réanimation : soit parce que la place n’est pas disponible lors de l’admission hospitalière, soit parce que le risque vital est parfois supposé mais pas toujours vérifié. On a donc besoin d’une zone intermédiaire pour réévaluer les patients », explique le Pr Michelet.
Ces patients sont donc acheminés dans des structures spécifiques : les salles d’accueil des urgences vitales (SAUV) qui, administrativement, sont rattachées aux services d’urgence. « C’est une zone-tampon où les anesthésistes-réanimateurs et les urgentistes ont vocation à travailler ensemble », indique le Pr Michelet, en précisant qu’un travail sur ce thème a été lancé il y a un an de manière conjointe par les deux grandes sociétés savantes : la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR). « Ce travail vise à déterminer le rôle de chacun pour la prise en charge des urgences vitales, à la fois celles qui arrivent par l’intermédiaire des Samu/Smur et celles qui descendent des autres services de l’hôpital vers les SAUV. Ce travail devrait déboucher sur la publication de recommandations formalisées d’experts l’année prochaine », précise le Pr Michelet.
Des recommandations sur l’analgésie aux urgences.
L’autre situation concerne la prise en charge, aux urgences, de la douleur. « Historiquement, l’anesthésie-réanimation a joué un rôle majeur dans l’amélioration des prises en charge et la mise au point de protocoles de sédation et d’analgésie adaptés. Les anesthésistes-réanimateurs ont donc une grosse expertise qu’ils doivent pouvoir utiliser mais en lien avec les urgentistes. C’est la raison pour laquelle les sociétés savantes ont jugé nécessaire de travailler ensemble ce sujet », indique le Pr Michelet. En 2010, la SFAR et la SFMU ont ainsi publié des recommandations formalisées d’experts intitulées « Sédation et analgésie en structure d’urgence ».
« Ce texte décrit tout ce que les urgentistes et les anesthésistes-réanimateurs peuvent faire, soit en association, soit les uns à côté des autres, explique le Pr Michelet, tout en insistant sur l’importance de cette collaboration pour le développement de la sédation-analgésie procédurale ainsi que l’anesthésie locorégionale (ALR) qui, ces dernières années, ont pris une place considérable au sein des urgences. Cela reflète bien l’évolution des dernières années. Il y a dix ans, parler de l’ALR aux urgences aurait été considéré par beaucoup comme une véritable ineptie. Cela aurait la même chose pour la pratique de la ventilation non invasive qui, aujourd’hui, est un acte quasi quotidien dans bien des SAUV. »
D’après un entretien avec le Pr Pierre Michelet, professeur d’anesthésie-réanimation-urgences et coresponsable du service des urgences Marseille-centre (AP-HM).
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