Les cancers du sein chez l’homme (CSH) représentent moins de 1 % des cancers masculins et environ 1 % de l’ensemble des cancers du sein (1, 2). On estime donc qu’en France environ 550 nouveaux cas par an sont diagnostiqués. L’âge médian est d’environ 65 ans (3). Les principaux facteurs de risque sont multiples et variés (voir le tableau). Le mécanisme physiopathologique commun semble être un excès d’œstrogènes et/ou une carence en testostérone.
Facteurs de risque des cancers du sein chez l’homme
GENETIQUES |
-mutation BRCA 2 ou BRCA 1 -Syndrome de Klinefelter -Ascendance juive -Antécédents familiaux |
PROFESSIONNELS |
-Exposition aux hautes températures (haut fourneaux, aciéries) -Exposition aux gaz de combustion (pétrochimie) |
MALADIES |
-Atteintes testiculaires (infectieuses) -Atteintes hépatiques (virales/parasitaires) |
TRAITEMENTS |
-Irradiation thoracique avant 20 ans (HODGKIN) -Oestrogénothérapie |
DIVERS |
-Obésité -Intoxication oenolique |
Des symptômes aréolaires
Le principal symptôme est la tuméfaction rétro- ou périaréolaire. Parfois, on peut observer une rétraction cutanée, voir une maladie de Paget du mamelon, ou un écoulement sanglant. Dans 5 à 10 % des cas, le CSH est révélé par une adénopathie axillaire et/ou une métastase (osseuse ou pulmonaire). Entre 10 et 20 % des patients (surtout âgés) présentent des formes avancées, avec atteinte de la peau et/ou du muscle pectoral.
La mammographie (tout à fait réalisable chez l’homme) montre une opacité tumorale arrondie ou spiculée, avec parfois des microcalcifications, un épaississement cutané et/ou une rétraction du mamelon. Le bilan d’extension comprend les mêmes examens que pour la femme (scanner, scintigraphie ou TEP).
Un envahissement ganglionnaire dans moitié des cas
Les cancers canalaires infiltrants représentent de 85 à 90 % des cas. Les autres formes infiltrantes (lobulaire, médullaire, tubuleux) présentes chez la femme sont rarissimes. Par contre, les cancers canalaires in situ (CCIS) sont retrouvés dans 8 à 11 % des cas (2, 3). La répartition selon le grade SBR est comparable à celle des cancers infiltrants chez la femme. En revanche, à cause de l’absence de dépistage et de tailles lésionnelles souvent importantes, l’envahissement ganglionnaire axillaire est présent dans 40 à 56 % des CSH. Les récepteurs hormonaux (RH) sont très souvent positifs (85-95 % pour les RO, et 65-83 % pour les RP).
Une majorité de mastectomie
La mastectomie radicale modifiée reste de loin le traitement le plus utilisé. En cas de lésion de petite taille, une chirurgie conservatrice (tumorectomie ou quadrantectomie) peut être réalisée, suivie comme chez la femme d’une irradiation complémentaire.
Le curage axillaire est encore très pratiqué, mais pour les petites lésions (≤ 2 cm). La technique du ganglion sentinelle (GAS), réduisant les risques de lymphœdème du membre supérieur et de douleurs ou paresthésies de la région axillaire, a été également proposée (2).
Chez les patients traités par radiothérapie locorégionale, l’amélioration du contrôle local et de la survie est très variable. Une récente revue a montré son intérêt pour les formes avec atteinte ganglionnaire axillaire (pN+) et les lésions de grande taille (4).
Une hormonothérapie adjuvante
Compte tenu de l’âge moyen élevé et du fort pourcentage de tumeurs RH+, l’hormonothérapie reste le traitement adjuvant de référence (2, 3). Le tamoxifène a montré, comme chez la femme, une amélioration de la survie (spécifique et/ou globale selon les études). Toutefois, le nombre de patients traités reste modeste, rendant les évaluations difficiles. Des effets secondaires (bouffées de chaleur, dépression, prise de poids, troubles de la libido) ont parfois été observés, de même que certaines complications (phlébites, embolies pulmonaires).
Très peu de patients ont été traités avec des inhibiteurs de l’aromatase (avec ou sans agonistes de la LH-RH), apparemment avec une efficacité semblable à celle du tamoxifène. La chimiothérapie semble surtout utile chez les hommes jeunes avec atteinte ganglionnaire axillaire (pN+). L’évaluation précise des comorbidités joue un rôle important dans le choix des traitements adjuvants.
80 % de survie globale à 5 ans
Dans toutes les études, les principaux facteurs pronostiques sont la taille et, surtout, l’envahissement ganglionnaire axillaire (pN) (3). Toutefois, les résultats entre survie globale et survie spécifique varient du fait de l’âge moyen élevé, avec un nombre important de décès par pathologie intercurrente et de seconds cancers. Dans la série multicentrique française, parmi 489 patients évalués, les taux de survie globale à 5 et 10 ans étaient de 81 % et 59 %, alors que les taux de survie spécifique étaient de 89 % et 72 %. Dans cette même étude, le risque de métastase est très significativement corrélé à l’envahissement ganglionnaire axillaire (pN+), la taille tumorale, la présence de lésion SBR II-III et l’éventuelle survenue d’une récidive locale (3).
Globalement, à ce stade et à âge égal, le pronostic du cancer du sein chez l’homme semble comparable à celui de la femme, tant quant au risque de rechute qu’en survie globale (2).
Président de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), Institut du cancer Courlancy (Reims)
bcutuli@iccreims.fr
(1) Harlan L. C., Zujewski J. A., Goodman M. T., Stevens J. L., « Breast cancer in men in the United States. A population-based study of diagnosis, treatment and survival », Cancer, vol. 116, no 15, août 2010, p. 3558-3568
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/cncr.25153
(2) Cardoso F., Bartlett J. M. S., Slaets L. et al, « Characterisation of male breast cancer: results of the EORTC 10085/TBCRC/BIG/NABCG International male breast cancer program », Annals of Oncology, vol. 29, no 2, février 2018, p. 405-417
(3) Cutuli B., Cohen–Solal Le-Nir C., SERIN D. et al, « Male breast cancer. Evolution of treatment and prognostic factors. Analysis of 489 cases », Critical Reviews in Oncology/Hematology, vol. 73, no 3, mars 2010, p. 246-254
(4) Jardel P., Vignot S., Cutuli B. et al, « Should adjuvant radiation therapy be systematically proposed for male breast cancer? A systematic review », Anticancer Research, vol. 38, no 1, janvier 2018, p. 23-31
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