14-15 décembre 2006- Paris
L’ANGIOGENESE est le processus par lequel de nouveaux vaisseaux se développent à partir de ceux qui préexistent pour augmenter l’apport en oxygène et en nutriments. Cela est notamment le cas pour les tumeurs malignes en croissance. Les cellules endothéliales sont génétiquement stables, elles ne développent pas de résistance acquise et elles ne sont ni invasives ni prolifératives. De plus, elles sont facilement accessibles aux traitements, ce qui explique l’intérêt suscité par l’idée de bloquer l’angiogenèse, née en 1971. Le développement accéléré des cellules endothéliales dans les tumeurs est sous la dépendance du Vegf (Vascular Endothelial Growth Factor). Ce facteur de croissance provoque en effet une « conversion » ou « switch » angiogénique. Parmi les pistes thérapeutiques envisagées, l’une a consisté à inhiber le signal angiogénique émis par le Vegf, normalement quiescent. L’un des moyens possibles consiste à bloquer son récepteur par un anticorps monoclonal. Parmi les molécules de ce type, dont la dénomination commune internationale se termine en « mab », le bévacizumab est le premier anti-Vegf qui a fait la preuve de son efficacité (1).
Le Vegf, un régulateur de nombreux processus.
Le Vegf est un régulateur essentiel au cours de nombreux processus physiologiques très variés (2). Son activité est médiée par des récepteurs à activité tyrosine kinase ou phosphatidyl-inositol-3 phosphate kinase (PI3 kinase). Les inhibiteurs de l’angiogenèse sont apparus comme des éléments prometteurs d’une stratégie thérapeutique dans des situations pathologiques diverses : cancérologie, dégénérescence maculaire liée à l’âge et pathologie cardio-vasculaire (3). Le bévacizumab a fait l’objet d’études cliniques très récentes qui ont montré que cette molécule améliore la survie des patients ayant un cancer métastatique rénal ou une tumeur colo-rectale, mammaire ou bronchique.
Parmi les effets indésirables associés à l’administration de bévacizumab, le plus fréquent est l’hypertension artérielle. Le risque relatif dépend de la dose administrée. Ainsi, en cas de faible dose, il est de 3 à 5, et de 9 ou 10 lorsque la dose administrée est élevée. Il s’agit d’une hypertension artérielle de grade 3, qui peut survenir quel que soit l’âge du patient. Elle est contrôlable par le traitement antihypertenseur habituel et réversible à l’arrêt du traitement.
Le risque relatif de protéinurie sous bévacizumab est évalué à 2 environ. Il est également dose-dépendant. Ce risque est plus élevé lorsque le bévacizumab est administré chez un patient ayant un cancer du rein. Cette protéinurie est cliniquement non significative. Des accidents thromboemboliques ont également été signalés en 2005 lors de la session scientifique annuelle du congrès de l’Asco (4). Une analyse combinée de cinq études randomisées a porté sur les événements thromboemboliques artériels lors du traitement par bévacizumab en association avec une chimiothérapie dans le cadre de tumeurs métastatiques diverses. En cas d’adjonction du bévacizumab à la chimiothérapie, le risque d’événements thromboemboliques artériels a été de 3,8 % contre 1,7 % en cas de chimiothérapie seule (p < 0,01). Après une analyse multivariée, le traitement par bévacizumab, des antécédents vasculaires et un âge supérieur à 65 ans ou plus sont apparus comme des facteurs de risque indépendants d’événements thromboemboliques artériels.
Un double mécanisme.
Dans une étude ayant évalué les effets d’un Vegf recombinant chez des patients ayant un angor réfractaire, l’administration du traitement s’est accompagnée d’un taux d’hypertension artérielle de 20 % et d’épisodes de flush (5). Des effets vasorelaxants ont par ailleurs été expérimentalement mis en évidence (6), notamment au niveau mésentérique (7).
Il a été très récemment montré que la vasodilatation induite par le bévacizumab est mixte, à la fois endothélium-dépendante et indépendante (8).
Le Vegf est exprimé dans les glomérules, au niveau des podocytes (9). Il pourrait avoir un rôle essentiel dans leur fonctionnement et ainsi constituer une nouvelle cible thérapeutique.
En pratique, chez un patient sous bévacizumab, une surveillance tensionnelle s’impose. Peut-être faut-il éviter son usage chez les patients ayant une hypertension artérielle non contrôlée. Si l’hypertension induite par le traitement n’est pas contrôlable, ce qui n’est habituellement pas le cas, l’arrêt du bévacizumab peut être nécessaire. Enfin, en cas d’hypertension maligne, l’arrêt s’impose. L’apparition possible d’une protéinurie suppose la surveillance de ce paramètre. L’apparition d’un syndrome néphrotique impliquerait l’arrêt du traitement.
D’après la communication de M. Azizi Paris.
(1) Gerber HP, Ferrara N. « Cancer Res » 2005 ; 65 (3) : 671-680.
(2) Ferrara N et coll. « Nat Med » 2003 ; 9 (6) : 669-766.
(3) Ferrara N, Kerbel RS. « Nature » 2005 ; 438 (7070) : 967-974.
(4) Skillings JR, Johnson DH, Miller K et coll. « J Clin Oncol » 2005 ; 24 : Abstr 3019.
(5) Henry TD et coll. « Circulation » 2003 ; 107 (10) : 1359-1365.
(6) Van der Zee R et coll. « Circulation » 1997 ; 95 (4) : 1030-1037.
(7) Yang R et coll. 2002 ; 39 (3) : 815-820.
(8) Steeghs N et coll. « J Clin Oncol » 2006 ; 24 (18S) : 3037.
(9) Eremina V, Quaggin SE. « Curr Opin Nephrol Hypertens » 2004 ; 13 (1) : 9-15.
(10) Eremina V et coll. « J Clin Invest » 2003 ; 111 (5) : 707-716.
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