De notre correspondante
L 'HOMME et la femme diffèrent en bien des manières... Il ne faut pas l'oublier lorsqu'il s'agit de conduire les études cliniques et d'établir les lignes de conduite thérapeutique.
Quelques études, mais pas toutes, ont suggéré que les femmes pourraient présenter après la séroconversion VIH1 une charge virale (ou un taux plasmatique d'ARN viral) plus basse que celle des hommes. Chez ces derniers, la charge virale initiale après la séroconversion 1 prédit le risque de progression vers le SIDA, mais cette relation n'a pas été étudiée chez la femme. Or, les précédentes recommandations pour débuter le traitement antirétroviral étaient uniformément appliquées à l'homme et à la femme et reposaient en partie sur la valeur de la charge virale. Ces recommandations préconisaient d'envisager de débuter le traitement pour une charge virale supérieure à 20 000 copies/ml (mesurée par PCR-RT).
Une étude prospective de Sterling (Johns Hopkins University, Baltimore) et coll. apporte de précieuses informations. En 1988, près de 3 400 toxicomanes IV de Baltimore ont été enrôlés dans une étude longitudinale de l'infection à VIH (cohorte ALIVE). Sterling et coll. ont suivi 202 participants (156 hommes et 46 femmes) de cette cohorte devenus séropositifs entre 1988 et 1998. Leur charge virale et leur taux de CD4 + ont été mesurés tous les six mois à partir de la séroconversion.
50 000 copies/ml chez l'homme, 15 000 chez la femme
L'étude montre que la charge virale initiale est en moyenne de 50 000 copies/ml chez les hommes, mais seulement de 15 000 copies/ml chez les femmes. Cette différence persiste pendant cinq à six ans après la séroconversion et s'estompe après.
Toutefois, en dépit d'une charge virale initiale plus basse, les femmes ont le même taux initial moyen de CD4 + après la séroconversion que les hommes (672 et 659 cellules/mm3) et le même risque de progression vers le SIDA. Durant le suivi, 29 hommes et 15 femmes ont développé un SIDA. Pour chaque augmentation de 1 log dans la charge virale, le risque relatif de progression vers le SIDA est similaire chez l'homme et la femme (1,55 et 1,43). Mais, tandis que la charge virale relative semble avoir la même valeur prédictive dans la progression du SIDA, une même charge virale initiale absolue confère des risques différents de SIDA chez les hommes et chez les femmes. La charge virale initiale, chez les femmes qui ont développé un SIDA, est en moyenne de 17 149 copies/ml, comparé à 77 822 copies/ml chez les hommes, soit de 4 à 5 fois plus basse. La charge virale initiale chez les hommes qui n'ont pas développé le SIDA est en moyenne de 40 634 copies/ml, comparé à 12 043 copies/ml chez les femmes.
En suivant la recommandation de débuter le traitement lorsque la charge virale dépasse 20 000 copies/ml, 74 % des hommes et seulement 37 % des femmes de l'étude sont éligibles pour le traitement anti-VIH après leur séroconversion, alors que la même proportion de femmes et d'hommes est éligible si le critère utilisé est le taux de CD4 +. Si le seuil est de 30 000 copies/ml, ces proportions sont respectivement de 61 et de 33 %.
Est-ce dû aux estrogènes ?
Il reste à savoir pourquoi la charge virale initiale des femmes est beaucoup plus basse que celle des hommes. Est-ce dû aux hormones (estrogènes) ? Pourquoi cette différence s'estompe-t-elle après plusieurs années d'infection ? « La recherche du mécanisme biologique à la base de la charge virale initiale plus faible chez les femmes pourrait fournir des éclaircissements sur la pathogenèse de l'infection à VIH chez les femmes ainsi que chez les hommes », concluent les investigateurs.
Les résultats de cette étude ont été pris en compte dans la révision, il y a un mois, des recommandations américaines pour débuter le traitement anti-VIH (http://www.hivatis.org).
Ces recommandations soulignent que le moment optimal pour débuter le traitement antirétroviral n'est pas encore connu. Plus conservatrices que les précédentes, prenant en compte les risques et bénéfices du traitement précoce, elles préconisent de débuter le traitement lorsqu'un patient infecté asymptomatique a un taux de CD4 + en dessous de 350/mm3 (au lieu de 500/mm3 dans les précédentes recommandations), ou une charge virale supérieure à 55 000 copies/ml (au lieu de 20 000 copies/ml). Les cliniciens peuvent envisager de baisser ce seuil de charge virale chez les femmes, notent ces recommandations, « bien qu'il existe des données insuffisantes pour déterminer un seuil approprié ».
« New England Journal of Medicine », 8 mars 2001, p. 720
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