Vitiligo : une molécule utilisée dans la polyarthrite rhumatoïde pourrait révolutionner le traitement

Publié le 25/06/2015

Le vitiligo. Michael Jackson en souffrait. Selon le Dr Arnold Klein, son dermatologue, il aurait même pris la décision de se blanchir la peau parce qu’il n’assumait pas sa maladie… D’autres, au contraire, comme la mannequin canadienne Chantelle Brown Young, égérie de la marque Desigual, mettent leur vitiligo en avant, pour lutter contre la stigmatisation associée à cette dermatose. Maladie auto-immune, dont les origines restent à ce jour mal connues, le vitiligo touche environs 1 % de la population – entre 900 000 et 1,2 million de personnes en France. Elle se caractérise par l’apparition, sous forme de poussées, de plaques blanches dépigmentées sur la peau, indolores et non contagieuses.

Une équipe de l’Université de Yale, aux États-Unis, pourrait avoir découvert une solution thérapeutique à cette affection dont le retentissement psychologique peut être dévastateur. L’étude publiée ce mercredi dans « Jama Dermatology » décrit la prouesse à laquelle ils sont parvenus : traiter, presque entièrement, une patiente atteinte de vitiligo. « C’est une première, et cela pourrait devenir une révolution pour le traitement de cette maladie atroce », affirme l’auteur principal de l’étude, le Pr Brett King.

Des thérapies actuelles décevantes

À l’heure actuelle, les traitements disponibles pour traiter le vitiligo – la thérapie par rayons UVB, les dermocorticoïdes de classe 3 – restent en effet insatisfaisants. Le Pr King et ses collègues, et d’autres équipes américaines, notamment à l’université de Columbia, avaient déjà ouvert la voie à une nouvelle piste thérapeutique.

L’an dernier, l’équipe démontrait l’efficacité du tofacitinib – un inhibiteur de Janus kinase (JAK) régulièrement prescrit dans la polyarthrite rhumatoïde – pour traiter la perte de cheveux associée à une autre maladie auto-immune, la pelade (ou alopécie areata). Or, la pelade et le vitiligo ont des facteurs de risque génétiques en commun, notent les auteurs, et les deux maladies peuvent apparaître de manière concomitante chez les patients.

« Les mécanismes de la pelade sont censés ne pas être très loin des mécanismes du vitiligo, ce sont deux maladies qui se ressemblent au niveau physiopathologique », confirme le Pr Khaled Ezzedine, du service de dermatologie et dermatologie pédiatrique du CHU de Bordeaux.

L’équipe de Yale a donc émis l’hypothèse que le tofacitinib pourrait également être efficace dans le vitiligo… et elle n’a pas été déçue.

Les dermatologues ont administré le tofacitinib, oralement, à une patiente atteinte de vitiligo de 53 ans, dont les tâches envahissaient progressivement le visage, les mains et le corps depuis un an. Après 5 mois de traitement, les plaques dépigmentées du visage et des mains avaient quasiment entièrement disparu. La patiente n’aurait signalé aucun effet secondaire. Même s’il ne s’agit que d’un cas, les résultats sont néanmoins sans précédent.

Réactions enthousiastes

« Moi, je suis vraiment impressionné par leurs résultats. Il y a deux choses importantes : ils ont stoppé l’évolution de la maladie, et ils ont permis la repigmentation, surtout au niveau des mains. Or, les mains sont très difficiles à repigmenter, c’est presque impossible, c’est d’ailleurs en général ce qu’on dit à nos patients », confie le Pr Ezzedine, qui suit à ce jour une cohorte de plus de 1 500 patients à Bordeaux. Le praticien n’est cependant pas étonné par l’utilisation de l’antiarthritique. « Il y a eu récemment la découverte de l’implication des cytokines dans la pathogénèse du vitiligo, explique-t-il. En fait, on avait pensé nous-mêmes au tofacitinib, mais apparemment ils nous ont devancés ! Notre idée, par contre, était d’utiliser le traitement par voie topique. »

Pour le Pr Ezzedine, ces résultats amènent avec eux de nouvelles questions. Ce traitement sera-t-il efficace chez tous les patients ? « Nous pensons que cela ne le sera peut-être pas pour tous les types de vitiligos, c’est plus complexe que ça, suggère-t-il. Probablement que cela marche en cas en poussée inflammatoire très forte – il semble que c’était le cas pour cette patiente. Nous en sommes au début de l’exploration de la voie cytokinique dans le vitiligo. Il faut d’abord classifier les vitiligos au niveau clinique, puis observer le profil cytokinique de chacun… c’est vraiment de la médecine personnalisée. »

Le Pr King et son équipe envisagent de mener des études cliniques sur le sujet.

Clémentine Wallace

Source : lequotidiendumedecin.fr