Monsieur, Je me permets de prendre ma plume pour réagir suite à vos propos diffusés au décours d’une émission réalisée par une radio nationale. Vous vous êtes offusqué suite au comportement d’un médecin généraliste qui exigeait certaines conditions démesurées pour s’installer dans votre cité, visiblement prisée l’été par les vacanciers qui vont mettre les pieds dans les eaux fraîches de la Manche.
Je comprends quelque peu votre agacement vis-à-vis des exigences de ce confrère qui ne lésine pas sur les demandes multiples pour pouvoir exercer. Cependant, je souhaite attirer votre attention sur plusieurs points.
Tout d’abord, l’émoi suscité par le fait que votre station balnéaire devienne un futur désert médical n’est pas une nouveauté. En effet votre prédécesseur avait également tenté d’attirer un médecin en lui proposant certaines conditions alléchantes (appartement, place au port, et repas dans un restaurant étoilé). Malgré ces délicates attentions, aucun prétendant n’a accepté cette offre qui avait été relayée également par les médias. Y a-t-il une malédiction ou une raison (trop grand éloignement de grands centres urbains, mauvaise ambiance avec les confrères) pour ne pas obtenir de réponse positive ?
Les étudiants en médecine travaillent pour des clopinettes
Ensuite, vous êtes très remonté quant aux devoirs des étudiants en médecine qui sont payés pour recevoir leurs enseignements au décours de leurs études. Tout d’abord, il faut savoir que tous les étudiants universitaires reçoivent un enseignement payé par le contribuable. Le pire c’est que certaines écoles forment des futurs ingénieurs gratuitement, ingénieurs qui partent à l’étranger sans payer quoique ce soit… De plus, il faut savoir que les étudiants en médecine ne déméritent pas et qu’outre un concours sélectif (il existe encore sous une forme déguisée et sur trois ans), ils travaillent pour des clopinettes pour les services hospitaliers en manque de main-d’œuvre. À ce titre, je peux vous dire qu’ils remboursent intégralement le coût engendré par l’enseignement reçu. Vos propos sont, comme de nombreux politiciens, démagogiques, et dénotent votre volonté d’alerter nos concitoyens et de leur donner une image négative des professionnels qui ne cessent de donner le maximum d’eux-mêmes pour les autres.
En ce qui concerne les exigences, nous pouvons penser qu’elles sont démesurées ; mais combien de fonctionnaires travaillent avec des émoluments plus importants pour un travail plus relaxant ? Un nombre non négligeable ! Nous devons penser que la situation que nous vivons actuellement dans le domaine de la santé est une réelle catastrophe voulue par les politiques. À ce titre, nous ne devons pas oublier que M. Juppé a incité les médecins ayant plus de 55 ans, pour réduire le trou de la Sécurité Sociale, à prendre la préretraite (le MICA) jusqu’en 2001.
D’autre part, les médecins libéraux n’ont plus la foi d’il y a plus de 30 ans. Outre le fait qu’ils soient constamment critiqués et considérés comme des nantis, leur charge de travail ne cesse d’augmenter pour une rémunération ridicule. Les déserts médicaux existent partout, pas seulement dans votre commune, et ils sont pointés aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
Tout cela pour dire qu’il n’y a pas de solutions pour attirer les jeunes médecins, excepté un salaire et des conditions plus que satisfaisantes. Vous ne devez pas perdre de vue que les médecins de votre secteur qui vont prendre la retraite travaillent probablement plus de 70 heures par semaine. Les jeunes générations refusent de continuer de cette manière car comme les fonctionnaires et politiques (leur nombre ne fait que croître) le temps de travail est fixé, si je ne me trompe, à 35 heures par semaine. Alors, pour remplacer les confrères retraités, il faudra deux jeunes médecins pour un.
Aussi avant de prendre le micro et de déverser votre fiel sur les médecins généralistes, analysez avec plus de discernement la situation pour trouver les véritables coupables de ce déficit en professionnels de santé. En vous remerciant par avance pour votre écoute
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