Les députés et sénateurs s’apprêtent à voter et probablement valider la proposition de loi Falorni relative à la fin de vie, appelée improprement dans les médias « loi sur l’aide à mourir ».
Les lois de 2005 et 2016 relatives au même sujet avaient légitimement tenté d’institutionnaliser un droit à l’accompagnement en fin de vie, afin de soulager autant que faire se peut, un patient en fin de vie de toute douleur avec ses composantes physique, psychique, sociale et spirituelle. Ceci peut aller jusqu’à la « sédation profonde et continue » qui a pour but de soulager le patient (et non l’entourage) jusqu’à ce que la mort survienne sans intentionnalité de la donner. Ces lois paraissaient « justes et raisonnables ». Elles ont été jugées « insuffisantes » par certains patients, par les conclusions de la consultation citoyenne rendues en 2023 et par nombre d’associations dont l’ADMD. Ces insuffisances avérées ou alléguées sont à l’origine de la proposition de loi Falorni.
Ce texte instaure un « droit à mourir » évalué et encadré dans des situations jugées extrêmes ainsi qu’un droit à « l’aide à mourir », c’est-à-dire à ce que le patient soit assisté pour « se donner » lui-même la mort, ou à lui « donner la mort » quand il est incapable physiquement de le faire lui-même après sa demande et son consentement « éclairé et validé ».
Au cours de toute vie, chaque être peut « donner la vie », cette dernière appellation ne se résumant pas à procréer. Dans sa vie affective, familiale, sociale, professionnelle, tout être transmet des germes de vie sans passer obligatoirement par la procréation, par le biais de gestes, de mots, de regards, d’œuvres produites, sources de « beau », d’amour ou d’amitié partagées, sources de désir de vivre aussi longtemps que possible. Cette transmission inscrit la dignité de tout être, fut-il dans le plus grand dénuement physique psychique social ou spirituel. « L’autre » est à l’origine, à la source, au fil et à la « fin de toute vie ». Nul ne peut se « donner soi-même la vie » à moins d’entretenir des fantasmes par le clonage et le Trans humanisme. Chacun est par contre responsable de sa propre vie et de son devoir de la transmettre quelle qu’en soit la forme. Tout être humain est donc dépositaire de la vie mais non propriétaire de sa vie.
Donner la mort sera toujours un aveu d’échec
La proposition de loi Falorni instaure un « droit à mourir » (voire donner la mort, voire par glissement devoir mourir) aussi ontologiquement absurde que le serait un « droit à naître ». Je n’ai pas de droit à mourir. Je ne peux qu’accepter la vie reçue, le vieillissement, la maladie, le handicap et la mort qui surviendra de toute façon, et le plus tard possible, et d’espérer voire d’exiger par la loi si mon espérance est déçue, que les meilleurs soins me soient assurés et me soulagent de toute douleur quelle que soit la nature de celle-ci et quels que soient ces soins, jusqu’à ce que la mort survienne (c’est l’essence et l’esprit de la loi de 2016). Donner la mort ne sera jamais un soin. Se donner la mort résulte d’une pulsion incontrôlable, fut-elle prétendument raisonnée, que nul n’a pu endiguer et soulager. Donner la mort sera toujours un aveu d’échec et de faiblesse (bien humaines par ailleurs !) qui vise inconsciemment à se soulager soi-même de la perception de la souffrance de l’autre… au prétexte de le soulager et de préserver sa dignité. Mettre tout en œuvre pour prendre soin de l’autre qui souffre, le soulager et le « bienveiller », éventuellement jusqu’à la sédation continue et terminale et la mort qui advient, reste un devoir humanisant pour soi-même comme pour l’autre, pour tout soignant et tout être qui a reçu la vie.
Je ne suis pas sûr que la proposition de loi Falorni soit raisonnable bien que raisonnée
Pour toute décision qui engage le pays et la ou les sociétés qui le composent, et en particulier pour le présent sujet, il est légitime en démocratie de s’en remettre au politique, éclairé par les contributions d’experts du monde du soin, du droit, des penseurs religieux ou non, et de la consultation des simples citoyens. S’en remettre aux citoyens par référendum serait un aveu de démission et d’irresponsabilité politique. Un référendum n’aurait validé ni la loi Badinter sur l’abolition de la peine de mort en 1981, ni la loi Veil sur la dépénalisation de l’IVG en 1975 ! Je ne suis pas sûr que la proposition de loi Falorni soit raisonnable bien que raisonnée. Il est par contre quasi certain qu’un référendum la validerait à une écrasante majorité au nom de ce que l’on qualifie un peu rapidement et légèrement de « liberté individuelle et de progrès social ». Au préalable, chaque citoyen dépositaire de la vie, devrait se demander s’il peut lui-même se donner la vie à défaut de la transmettre, s’il peut donner la mort à défaut de l’accepter, la sienne comme celle de l’Autre.
Qu’elle soit approuvée ou non, une loi instaurant un droit à donner la mort en prétextant aider à mourir demeurera un non-sens sémantique anthropologique et philosophique, qualifié abusivement et avec légèreté, de liberté individuelle, d’évolution sociétale voire de progrès social.
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