Hyperthrophie bénigne de la prostate

Des réticences au dépistage

Publié le 15/04/2011
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Quand il s’agit de réaliser un examen rectal, les réticences restent importantes chez les hommes. Pourtant une fois le diagnostic de cancer écarté, l'HBP bénéficie de traitements efficaces.

« Mr Patrick D. 60 ans, se lève de plus en plus souvent la nuit pour aller faire pipi. Pourtant il ne parle de ses difficultés urinaires qu’en fin de consultation.... »

?Des symptômes mictionnels à rechercher

Phénomène fréquent chez les hommes après 50 ans, l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) concerne 20 % des hommes autour de 40 ans et 50 % après 70 ans. Mais les symptômes mictionnels d’une HBP comme la dysurie ou la pollakiurie sont rarement évoqués spontanément, sauf quand les symptômes deviennent très gênants dans la vie au quotidien. Aussi est-il utile de rechercher activement ces symptômes mictionnels chez un homme d’âge mûr en posant directement des questions comme « Vous levez-vous la nuit pour aller aux toilettes ? », « Combien de fois par nuit ? » ou « Devez-vous pousser pour uriner? ? ». Des questions qui auront parfois l'intérêt d'aider à une prise de conscience du patient face à des symptômes dont il nie l'importance.

Des représentations différentes

Chez l’homme, la prostate est souvent investie de représentations ayant trait à la masculinité, la fertilité et la virilité. D'où des réticences qui s'expriment parfois par le syndrome de la « poignée de porte » (demande formulée en fin de consultation). Les médecins, quant à eux, ne voient le plus souvent dans les dysuries qu’un obstacle potentiel à la vidange de la vessie ou le siège potentiel d’un cancer. Aussi pour comprendre les réticences d’un patient à faire explorer sa prostate, il est utile de lui demander ce que représente pour lui une maladie de la prostate et de partir de ses représentations pour lui proposer un dépistage. Enfin, quand les réticences sont grandes, il est possible de proposer au patient d’aborder ce sujet à une consultation ultérieure en lui demandant entretemps de noter l'importance et les modalités de la dysurie (nombre de levées la nuit par exemple).

Le spectre du cancer

Au-delà de la peur d’explorer une glande chargée symboliquement, le spectre du cancer peut constituer un autre frein. Du fait des campagnes de sensibilisation au dépistage du cancer de la prostate menées sous l’égide de l’AFU, les hommes sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à connaître ce risque en présence de troubles mictionnels. Pourtant certains préféreront adopter la politique de l’autruche plutôt que dépister ce risque, faisant l’amalgame entre « tumeur » bénigne de l’HBP et « tumeur » maligne du cancer. Le mot tumeur peut être entendu sous la forme – tu meurs –. Là encore, il appartient au médecin de rester vigilant sur les mots utilisés qui peuvent prendre une résonance particulière pour les patients, différente de celle entendue par le médecin. C’est aussi l’occasion de rappeler que l’HBP n’augmente pas le risque de cancer prostatique Et une fois les réticences surmontées, des attitudes explicatives sur les traitements potentiels et leur efficacité en présence d'une HBP aideront à poursuivre la prise en charge de ces patients.

Prise en charge diagnostique et thérapeutique de l'hypertrophie bénigne de la prostate, Haute Autorité de santé (HAS), mars 2003.
Dr Jean-Pierre Rageau

Source : lequotidiendumedecin.fr