En France, l’insuffisance cardiaque chronique (ICC) en médecine de ville, atteint 4 % des patients entre 60 et 69 ans et 20 % après 80 ans. 70 % des patients ont plus de 70 ans et les soins sont assurés à 80 % par les généralistes, qui sont ainsi en première ligne pour le diagnostic, le traitement et l’accompagnement. La prise en charge de l’ICC du sujet âgé s'écarte cependant souvent des recommandations (2), malgré sa fréquence élevée, sa gravité (50 % de mortalité à 4 ans) et son coût (150 000 hospitalisations/an). Quelles sont les raisons de ces écarts en médecine ambulatoire ? Pour le savoir une enquête a été réalisée en Île de France pour comprendre comment la maladie est perçue, diagnostiquée et traitée chez les plus de 75 ans par ces praticiens.
Méthodes
L’enquête qualitative ICAGE (insuffisance Cardiaque chronique chez les personnes âgées) a été réalisée à partir d’entretiens individuels semi-directifs, auprès de 20 médecins généralistes libéraux, hommes et femmes, échantillon représentatif de 224 médecins généralistes ayant initialement accepté de participer à une enquête sur la prise en charge de l’ICC après 75 ans.
Résultats
Comment les médecins généralistes se représentent-ils
La maladie ? Sa prévalence est mal appréhendée, la maladie est mal définie, sournoise, silencieuse, son pronostic est sombre, ses étiologies multiples et sa prise en charge est ressentie comme difficile.
Le patient ? Le patient ne comprend pas bien sa maladie, sa qualité de vie est altérée, souvent polypathologique et polymédiqué il a été plusieurs fois hospitalisé. Son observance du traitement est bonne, malgré les difficultés que soulèvent sa prise en charge.
Les approches diagnostiques ? Elle est essentiellement clinique et évoquée. Le diagnostic qui est perçu comme difficile est en pratique du ressort du spécialiste.
Les approches thérapeutiques ? Le médicament résume la thérapeutique, la notion d’éducation thérapeutique n’est pas clairement explicitée, les mesures hygiéno-diététiques sont évoquées comme une source de difficultés.
Les représentations des médicaments ? Le médicament résume la thérapeutique, toutes les classes thérapeutiques sont citées, sans rationnel du choix thérapeutique. Il n’y pas de référence aux recommandations. Les bêta-bloquants sont perçus comme dangereux et les sartans comme sûrs.
Les rôles respectifs professionnels ? La communication des généralistes avec les cardiologues de ville est perçue comme bonne, tandis que la communication avec l’hôpital est ressentie comme mauvaise et mal coordonnée. Le généraliste fait systématiquement appel au spécialiste pour le diagnostic d’ICC et pour le traitement. Le généraliste considère que son rôle est de surveiller le traitement et d’accompagner le patient.
L’avis du chercheur
Pour le Dr Jacques Cittée, cette étude qualitative exploratoire met en évidence le fait que l’insuffisance cardiaque est une maladie mal définie par le généraliste chez le sujet âgé. De ce fait le dépistage et la démarche diagnostique ne sont pas bien codifiées et l’approche de la maladie est assez empirique. Comme les signes cliniques sont d’installation très progressive et peu spécifiques chez le sujet âgé, il faudrait penser systématiquement au diagnostic pour l’établir. Actuellement, le diagnostic est ainsi souvent posé trop tardivement. Les signes cliniques comme la fatigue ou l’essoufflement sont en effet souvent mis sur le compte du vieillissement dans un contexte de polypathologie. Il est difficile d’attribuer un ensemble de symptômes non spécifiques à l’insuffisance cardiaque. Il serait nécessaire de rappeler les facteurs de risque d’insuffisance cardiaque HTA, cardiopathie ischémique et valvulaire, diabète, l’alcool… et de pratiquer une échocardiographie de dépistage systématique en leur présence. L’utilisation des médicaments est mal maîtrisée comme les bêta-bloquants, ressentis comme dangereux, alors que les sartans apparaissent plus sûrs. Il est nécessaire d’adapter les recommandations de bonne pratique, de les commenter et de les diffuser auprès des généralistes dans des formations appropriées afin d’accroître leur application. La prochaine étape de cette étude serait une recherche action de formation élaborée à partir de la pratique clinique dans le but d’élaborer des stratégies qui permettent de surmonter les difficultés diagnostiques et thérapeutiques.
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
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Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
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