?Raul, 65 ans, est en villégiature chez sa fille. Cette dernière est inquiète car son père qui réside au Brésil présente, depuis plus d’un an, un trouble de la sensibilité des mains et des pieds. En parallèle, elle a noté l’existence de lésions hyperchromiques au niveau du thorax (voir photo). Ces lésions présentent un caractère maculeux, et parfois nodulaire et ne sont pas prurigineuses. L’examen clinique permet de retrouver une abolition des ROT achilléens, stylo-radiaux, et cubito-pronateurs. D’autre part, il existe un trouble de la sensibilité manifeste (au chaud, froid, à la nociception). Un confrère, déjà consulté, avait réalisé une EMG qui confirmait l’existence d’une neuropathie sensitive. Devant les lésions cutanées et les manifestations neurologiques, nous avons effectué un bilan à la recherche de syphilis, du VIH, mais aussi une IDR pour éliminer une tuberculose. Cette recherche s’est avérée négative. Compte tenu de l’origine de notre patient, nous avons décidé d’effectuer une autre recherche en milieu hospitalier qui a positivé une lèpre.
ÉPIDÉMIOLOGIE
La prévalence de cette pathologie est inférieure à 1 cas/10 000 personnes dans le monde. Plus de 230 000 nouveaux cas de lèpre ont été recensés en 2013, dont 10 % sont des enfants. Ce chiffre reste élevé, ce qui prouve qu'il existe encore une importante réserve de bacilles, d'autant qu'il y a un fort pourcentage de formes multibacillaires contagieuses.
La lèpre ou maladie de Hensen est une pathologie infectieuse chronique due à un BAAR (bacille acido-alcoolo-résistant), le Mycobactérium leprae, qui sévit essentiellement dans les pays en voie de développement. Cette bactérie présente un tropisme pour la peau et les cellules de Schwann des nerfs périphériques. Seize pays ont totalisé 95% des nouveaux cas dépistés en 2012 dont l'Inde, le Brésil et Indonésie. En Europe, des cas autochtones ont été décrits en Espagne, Grèce, Portugal et Sicile.
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES
Les bacilles de la lèpre se rencontrent essentiellement chez l’homme. Les singes, tatous sauvages peuvent être les réservoirs de cette maladie.
La transmission s’effectue le plus souvent par voie ORL (éternuement, toux). Après une phase d’incubation d’une durée de très variable (entre 2 et 40 ans), trois formes cliniques sont classiquement décrites.
1.La forme tuberculoïde
On la retrouve le plus souvent en Inde ou en Afrique. Dans ce cas, il existe des macules hypopigmentées dont la taille varie de quelques mm à plusieurs centimètres. Les bords de ces lésions sont érythémateux ou infiltrés. Elles présentent un bord régulier, et un développement annulaire. Les formations les plus anciennes sont dépourvues de sensibilité, et souvent les annexes (follicules pileux, glandes sudoripares) ont disparu à ce niveau. Cette atteinte se rencontre sur toutes les zones du corps. Ces formations sont dépourvues de bacilles. En parallèle, nous notons une atteinte nerveuse périphérique avec une hypertrophie des troncs nerveux. Ces manifestations se rencontrent au voisinage des lésions cutanées. Cliniquement, nous objectivons des troubles de la sensibilité (hypoesthésies ou anesthésies), des hypertrophies de nerfs en bordure de la lésion (le nerf ulnaire étant le plus souvent touché).
2.La forme lépromateuse
Au niveau cutané, nous retrouvons des nodules ou macules ayant la couleur de la peau. Les lésions présentent des limites floues, et deviennent confluentes. Progressivement des nodules apparaissent sur le visage en donnant une perte des sourcils et des cils. Cette disposition donne un visage léonin. Les nodules sont mis en évidence au niveau des bras, des oreilles (lobule), les fesses, le nez. Les bacilles peuvent être retrouvés au niveau du suc dermique du lobule de l’oreille. L’atteinte nerveuse périphérique est bilatérale et diffuse avec des déficits sensitifs et moteurs.
3.La forme borderline
Dans ce cas les lésions prennent un aspect intermédiaire entre forme lépromateuse et tuberculoïde. On objective des macules, des papules, et des placards hypopigmentés. Il existe toujours un trouble de la sensibilité au sein de ces lésions.
ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC
Les données recueillies au décours de l’interrogatoire sont souvent précieuses (origine géographique du patient, anomalies cutanées et neurologiques).
Le frottis de suc dermique permet (surtout dans les formes lépromateuses) de poser le diagnostic. Le frottis nasal autrefois conseillé ne doit plus être réalisé (complexe, et souvent source d’erreur).
En revanche, la recherche, par PCR, de l’ADN de la mycobactérie est souvent utile (surtout pour les formes paucibacillaires).
Au niveau anatomopathologique, on objective des granulomes avec des cellules épithélioïdes. Les macrophages sont remplis de bacilles avec un cytoplasme vacuolé (cellules lépreuses de Virchow).
TRAITEMENT
Il est fonction de la nature de la forme clinique observée. De manière classique (schéma recommandé par l’OMS), le traitement en zone d’endémie comporte :
- pour la forme tuberculoïde ou paucibacillaire, la dapsone à raison de 100 mg administrée durant 6 mois, et la rifampicine à raison de 600 mg une fois par mois.
- pour les formes lépromateuses ou multibacillaires, le même traitement est proposé (300 mg une fois par mois) mais avec de la clofaximine (50 mg/j) pendant 1 ou 2 ans.
Le traitement, ou la pathologie peuvent induire des réactions :
- Type I. On voit apparaître des lésions inflammatoires cutanées avec œdème du visage, des mains et des pieds.
- Type II. On les objective au début du traitement. Il s’agit de nodules rouges douloureux donnant l’aspect d’un érythème noueux. On trouve ces lésions au niveau de la face et sur les faces d’extension des membres.
- La réaction de Lucio. Elle est visible chez les patients originaires du Mexique ou des Caraïbes. Des plaques apparaissent avec des contours irréguliers présentent de la nécrose ou une ulcération. Ces réactions réagissent favorablement à la corticothérapie, mais aussi à la thalidomide (très efficace pour les poussées d’érythème noueux).
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