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Dossier

Six bonnes raisons de devenir maître de stage

Généraliste/étudiant : un duo gagnant !

Publié le 13/06/2014
Généraliste/étudiant : un duo gagnant !


BURGER/PHANIE

Leur nombre a explosé ces dernières années. Et si cette croissance exponentielle est à mettre au crédit du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE) qui a formé les confrères candidats, les retours des maîtres de stage sont plutôt positifs. Grâce à ce compagnonnage avec les jeunes, le statut de ces généralistes formateurs a changé... et leur pratique aussi !

Avec 7 666 généralistes recensés sous ce statut au 1er janvier 2014, l’effectif des maîtres de stages a doublé ces quatre dernières années et augmenté de 10% sur un an. Et ce n’est sans doute pas fini puisque le CNGE estime ce nombre insuffisant pour faire face à l’afflux massif d’internes en médecine générale et que le Pacte Territoire-Santé de Marisol Touraine pousse à la découverte de l’ambulatoire durant les études de médecine. Qu’est-ce qui incite donc des confrères de plus en plus nombreux (3 035 pour le 2e cycle et 6 176 pour les stages d’internes) à opter pour ces fonctions d’enseignement, proche du compagnonnage ?

Dix ans après les premiers maîtres de stage, deux thèses récentes et les témoignages recueillis mettent en exergue les bénéfices qu’en retirent les généralistes pour leur pratique. De quoi convaincre les confrères qui hésitent toujours.

› Un antidote contre le burn out ?

Beaucoup le disent, être maître de stage peut constituer un rempart contre le burn out qui touche très souvent les généralistes. Une thèse d’une jeune étudiante en médecine générale a même été présentée sur le sujet à l’université de Brest en 2012. Anne-Gaëlle Le Gallo a mené une série d’entretiens individuels auprès de médecins généralistes et maîtres de stage du Finistère. Il appert que cette expérience valorise avant tout le métier de médecin généraliste auprès des étudiants et des patients. Cette jeune généraliste en ressort l’impression qu’un sentiment de fierté et d’utilité à transmettre son savoir remplit alors le praticien dans son quotidien. Une autre thèse, présentée en 2011 par Anna Jarno-Josse alors étudiante en médecine générale à la faculté de Brest, aborde également le sujet en relativisant l’impact positif qu’aurait la maîtrise de stage sur le stress des généralistes. L’étudiante, devenue généraliste aujourd’hui, fait référence à des travaux de recherches qui, à l’inverse, montrent chez certains sujets une augmentation du niveau de stress… Le débat reste donc entier.

› Un DPC sans prise de tête

Tous les maîtres de stage le diront : accueillir un étudiant dans son cabinet c’est l’opportunité d’échanger sur ses pratiques et de prendre du recul sur celles-ci. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si la Haute Autorité de santé en a fait une des modalités de Développement Professionnel Continu (DPC). C’est, en effet, l’occasion de discuter sur sa façon d’exercer et d’échanger avec l’étudiant comme on pourrait le faire avec ses confrères. « C’est très important d’avoir une pratique réflexive – prendre du recul sur ses consultations - et d’accepter le point de vue de quelqu’un d’autre », analyse le Dr Anna Jarno-Josse. Auteure de la thèse « Impact de la maîtrise de stage sur l’exercice professionnel en soins primaires », elle rapporte que les rendez-vous réguliers avec les confrères qui sont également maîtres de stage SASPAS (Stage Ambulatoire en Soins Primaires en Autonomie Supervisée) fonctionnent un peu de la même façon que les groupes de pairs.

› Un vrai travail d’équipe

Qu’ils exercent seuls ou en groupe, les maîtres de stage n’ont attendu ni les négociations conventionnelles sur le travail en équipe, ni la Stratégie nationale de santé défendue par Marisol Touraine pour faire équipe avec leur stagiaire. L’arrivée de l’interne au cabinet pousse souvent le généraliste à le présenter aux paramédicaux et à multiplier les contacts avec eux. Sa présence encourage également les relations entre les médecins qui vont échanger sur ce nouvel étudiant. Dans sa thèse, le Dr Jarno-Josse relève qu’une majorité de maîtres de stage pensent que l’enseignement aux étudiants a « une influence positive ou très positive sur les relations qu’ils entretiennent avec leurs collègues ». « La maîtrise de stage apporte, en effet, une nouveauté dans leur équipe médicale et administrative et la majorité des médecins généralistes enseignants trouvent du soutien auprès de leurs collègues médecins et de leur équipe élargie », analyse-t-elle.

› La meilleure façon de recruter

Dit comme ça, ça peut paraître un peu intéressé… mais la maîtrise de stage est aussi une bonne action pour la démographie médicale ! Car ces stages sont l’occasion de faire découvrir la médecine générale à de jeunes étudiants qui n’en ont jamais entendu parlé et, pourquoi pas, susciter des vocations. L’expérience de l’auteure de la thèse sur l’impact de la maîtrise de stage sur les médecins en témoigne. D’abord stagiaire dans un cabinet de groupe à Rennes, elle s’est finalement installée et associée à son ancienne maître de stage ainsi qu’à ses confères ! Ils travaillent actuellement sur un projet de santé avec tous les professionnels de santé du quartier qui est en passe d’obtenir l’agrément de l’Agence Régionale de Santé. Et, à l’entendre, « dans les endroits où il y a des stagiaires, il n’y a jamais eu de problèmes pour des remplacements. Cela permet de développer un réseau. Même dans des endroits très reculés, il suffisait qu’un maître de stage soit là pour que cela aide à dynamiser certaines communes ».

› Un « plus » pour la relation médecin-patient

Au premier abord, on pourrait penser que la présence d’une tierce personne dans le colloque singulier peut porter préjudice à la relation que l’on entretient avec son patient. En fait, de l’avis des intéressés, il semblerait que ce soit tout le contraire. Les témoignages recueillis dans la thèse du Dr Jarno-Josse en attestent. La majorité des maîtres de stage ressentent une amélioration de la relation médecin-malade. Ils pensent même que cela a une influence positive. Les patients auraient plus confiance envers leur médecin du fait de son statut d’enseignant. Les médecins ont aussi l’impression que « le fait d’être à la fois médecin généraliste et enseignant clinicien, et pas “simple“ médecin généraliste, attire la patientèle », souligne la jeune femme. Du point de vue du patient, la satisfaction est également au rendez-vous. Les patients se diraient « plus et mieux écoutés lors des consultations “enseignantes” ».

› Une diversification de son activité

Avec un stagiaire à ses côtés, le médecin ne fait pas que « soigner » mais il enseigne également. Quand il accueille un SASPAS, il contracte ce qu’on appelle dans la charte des maîtres de stage une « dette pédagogique ». En contrepartie d’une rémunération par la faculté de médecine (environ 600 euros par mois pour l’accueil d’un stagiaire en plus des honoraires réalisés par l’étudiant), le médecin s’engage à donner des cours ou à participer à des travaux de recherche. Une activité qui pourrait un jour intégrer la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP).

Le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) a récemment défendu l’idée d’octroyer un certain nombre de points – jusqu’à 500 – soit 3 500 euros pour la maîtrise de stage. Une proposition à laquelle le président de MG France, Claude Leicher, serait favorable si l’on en croit le président du SNEMG, Matthieu Calafiore (lire ci-dessous).