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Dossier

Calendrier vaccinal 2017

Haro sur le meningo C

Publié le 28/04/2017
Haro sur le meningo C

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GARO/PHANIE

À l’occasion de la semaine de la vaccination, la DGS a dévoilé le calendrier vaccinal 2017. La nouvelle feuille de route simplifie la vaccination antipneumococcique de l’adulte, valide
l’utilisation du vaccin anti-HPV chez les jeunes homosexuels et redéfinit les règles de vaccination pour le BCG de l’enfant. Mais elle met aussi et surtout l’accent sur la vaccination contre le méningocoque C avec l’introduction d’une primovaccination dès l’âge de 5 mois. Une mesure dictée par une couverture vaccinale insuffisante qui n’a pas permis l’émergence d’une immunité collective. Pour les autres vaccins, le bilan 2016 dressé par Santé publique France est plutôt rassurant et montre que les hésitations vaccinales n’ont pas eu tellement d’impact.

En 2010, face à l’incidence relativement élevée des infections invasives à méningocoque C, les experts du HCSP ont préconisé la systématisation de la vaccination à tous les nourrissons âgés de 12 mois à 24 mois et en rattrapage chez les sujets âgés de 2 ans à 24 ans. Sept ans plus tard, force est de constater que ce programme de vaccination est un échec, puisque non seulement l’incidence de l’infection par le méningocoque C n’a pas diminué en France (entre 82 et 145 cas par an de 2010 à 2015), mais encore elle a crû chez les nourrissons de moins d’un an (77 cas de 2010 à 2015, dont 28 purpura fulminans et 8 décès).

Méningocoque C, primo-vaccination dès 5 ans

En 2010, il avait pourtant été choisi de ne pas vacciner les enfants de moins d’un an pour ne pas surcharger le calendrier vaccinal, en supposant que ces enfants seraient protégés par l’immunité de groupe obtenue en vaccinant les enfants à partir d’un an, les adolescents et les adultes jeunes. Cette stratégie vaccinale a parfaitement marché aux Pays-Bas. « Mais la couverture vaccinale y est supérieure à 90 %, alors que chez nous c’est une catastrophe », regrette le Pr Daniel Floret, ancien président du Comité technique des vaccinations et vice-président de la nouvelle commission technique des vaccinations de la HAS (lire encadré). 

De fait, fin 2015, la couverture vaccinale contre le méningocoque C était aux alentours de 70 % pour les nourrissons, mais de seulement 32 % chez les 10-14 ans, 23 % chez les 15-19 ans et 6,6 % chez les 20-24 ans ! « Il est impossible dans ces conditions d’avoir une immunité de groupe, poursuit le Pr Floret. Nous avons donc décidé d’ajouter une primovaccination à 5 mois avec une dose de vaccin antiméningocoque C MenCC-TT (NeisVac®), suivie d’un rappel à 1 an. C’est une mesure que l’on espère transitoire, en attendant que des taux de vaccination corrects soient atteints. »

Autre changement en matière de vaccination anti-méningoccocique : le vaccin tétravalent contre les méningocoques de type A, C, Y et W peut dorénavant être prescrit dès l’âge de 6 semaines.

Pneumocoque, un schéma vaccinal unique pour tous les adultes à risque

Le taux de couverture vaccinale des nourrissons contre le pneumocoque est en revanche excellent, aux alentours de 95 %, permettant une immunité de groupe, qui a entraîné une baisse des infections invasives à pneumocoques dans toutes les tranches d’âge, y compris chez les personnes âgées. Le vaccin est recommandé pour tous les enfants de moins de 2 ans et pour les personnes ayant des facteurs de risque particuliers. Fallait-il étendre la vaccination à toutes les personnes âgées, comme le font certains pays ? La question méritait d’être posée depuis que l’AMM du vaccin conjugué 13-valent (Prévenar 13), plus immunogène, a été étendue aux adultes. Après analyse des nouvelles données apportées par l’étude Capita et par des études médico-économiques indépendantes, le groupe de travail a choisi de continuer à recommander la vaccination uniquement pour les nourrissons et les groupes à risque. « Vacciner les personnes âgées sur le seul critère de l’âge n’est pas du tout coût-efficace », précise le Pr Floret.

Le groupe de travail a également souhaité simplifier la vaccination en adoptant un schéma unique pour les immunodéprimés et les autres groupes à risque : une dose de vaccin conjugué 13-valent, puis, après 8 semaines, une dose de vaccin non conjugué 23-valent (Pneumo 23®), pour augmenter la couverture sérotypique.

Au bout de 5 ans, le vaccin non conjugué 23-valent n’a plus d’effet protecteur. Cependant la revaccination n’était pas recommandée dans le calendrier 2016, en l’absence de données prouvant qu’elle restaure la protection. Dans l’attente de résultats complémentaires, le nouveau calendrier précise que les personnes qui ont été vaccinées par Prévenar 13®, puis Pneumo 23® pourront être revaccinées une fois par Pneumo 23®, à condition de respecter un intervalle de 5 ans entre les deux doses. En effet une revaccination plus précoce entraîne un risque élevé d’effets indésirables, heureusement mineurs (réactions locales, fièvre…).

Les couvertures vaccinales peu impactées par l'hésitation vaccinale

Malgré des interrogations bien réelles de la population, les couvertures vaccinales sont demeurées stables en 2016 avec même une tendance à la hausse chez les enfants de 24 mois. Tel est le constat dressé par Santé public France à l’occasion de la Semaine de la vaccination. À 24 mois, que ce soit contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche ou les infections invasives à Haemopilus influenzae b (Hib), tous ces vaccins ont des taux de couverture proches de 97 %. Par ailleurs, celle du vaccin contre l’HBV continue d’augmenter atteignant 88 % et celle contre le pneumocoque dépasse le seuil des 90 %. En revanche, si la couverture vaccinale contre le méningocoque C a légèrement progressé, elle reste insuffisante (70 %) et ne permet donc pas aujourd’hui de protéger les nourrissons, surtout que plus on avance en âge, plus la couverture vaccinale diminue. En outre, il existe aussi un gradient Nord-Sud avec par exemple une couverture vaccinale atteignant 38 % pour le méningocoque C et 32 % pour le HPV dans les Hauts-de-France contre respectivement 14 % et 17,5 % en région Paca.

Facteurs culturels Des disparités qui concernent aussi l’adhésion des Français à la vaccination comme en témoignent les données du Baromètre Santé 2016. Selon ce travail, 75 % des 15 -75 ans se déclarent favorables à la vaccination. Ce pourcentage d’adhésion varie beaucoup en fonction des régions : les habitant d’île-de-France et du Centre-Val-de-Loire étant les plus bienveillants (78 % et 80 % de personnes favorables). Alors que les habitants du Sud-Est du pays émettent davantage de réserves avec un pourcentage arrivant à 72 % de pro-vaccins en Auvergne-Rhône-Alpes et 71 % en Paca et en Occitanie. Pour le Dr Christine Jestin, responsable de l’unité chargée de la prévention des risques infectieux à Santé publique France, « cette disparité existe depuis longtemps et s’explique probablement par des facteurs culturels ».

Adhésion variable Si en majorité les Français perçoivent bien l’efficacité du processus, certains vaccins suscitent bien plus l’approbation que d’autres. En effet, les vaccins contre la grippe saisonnière, l’hépatite B ou le Papillomavirus déclenchent le plus de réticences. « Aujourd’hui, l’adhésion systématique des Français à la vaccination de façon générale n’est plus globale. Des hésitations et des questionnements s’expriment autour de certains vaccins et plus particulièrement sur la question des possibles effets indésirables », souligne le Dr Jestin. C’est le cas par exemple de l’hépatite B où le doute « reste ancré », malgré des études montrant qu’il n’augmentait nullement le risque de sclérose en plaque. Néanmoins, point positif : « On observe une légère amélioration de la confiance sur les vaccins contre le Papillomavirus et la grippe saisonnière »

Ainsi, « pour la plupart des vaccins, l’hésitation vaccinale mesurée auprès des Français n’impacte donc pas directement la couverture vaccinale. Il existe bien en France un consensus social en faveur de la vaccination, qui se nourrit en grande partie de la capacité des professionnels de santé à rassurer les parents », résume Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste et responsable de l’unité chargée des infections respiratoires et de la vaccination à Santé publique France. 



HPV, vaccination des HSH jusqu’à 26 ans

Concernant le Papillomavirus, le groupe de travail s’est interrogé sur la vaccination des garçons, mais n’a pas retenu cette option, préférant mettre l’accent sur la vaccination des filles, actuellement en échec. « Il a été très bien démontré en Australie que la vaccination des jeunes filles, avec des taux supérieurs à 90 %, protège les garçons », souligne le Pr Floret. La France en est loin : moins de 14 % des jeunes filles de 16 ans avaient reçu les trois doses de vaccins en 2015.

En revanche la vaccination est dorénavant recommandée, jusqu’à l’âge de 26 ans, chez les hommes ayant des rapports avec des hommes (HSH), pour prévenir les cancers anaux. « Le problème qui va se poser est celui du remboursement, car l’assurance maladie ne peut avoir connaissance des orientations sexuelles, remarque le Pr Floret. Nous recommandons donc la vaccination dans les centres publics de vaccination, notamment dans les CeGIDD. » Rappelons que les vaccins anti-HPV n’ont pas actuellement d’AMM pour la prévention des cancers ORL, en l’absence d’études démontrant leur efficacité préventive.

Par ailleurs, chez les jeunes filles et les jeunes femmes non vaccinées antérieurement, le HCSP recommande la vaccination par Gardasil 9®. Ce vaccin, qui couvre 90 % des sérotypes oncogènes, contre 70 % pour les vaccins actuels, devrait être bientôt disponible.

Le CTV est mort, vive la CTV !

Le calendrier vaccinal 2017 devrait être le dernier élaboré sous l’autorité du HCSP. En effet, comme l’avait préconisé le rapport Hurel, l’expertise en matière de vaccination est désormais passée sous la houlette de la HAS. Dans cette optique, la HAS a créé fin mars la Commission technique des vaccinations qui remplace l’ancien Comité technique des vaccinations. Celle-ci sera présidée par le Pr Agnès Buzin, présidente de la HAS, assistée de 3 vice-présidents :
le Pr Christian Thuillez (membre du collège de la HAS et président de la commission de la transparence), Christian Saout (membre du collège de la HAS et président de la commission évaluation économique et de santé publique) et le Pr Daniel Floret (ex-président du comité technique des vaccinations au HCSP). « L’intégration de cette nouvelle mission au sein de la HAS vise à unifier l’expertise dans le domaine des recommandations vaccinales et du remboursement des vaccins au sein d’une même institution et à renforcer la dimension de l’évaluation économique dans l'élaboration des recommandations vaccinales », précise la HAS.



Pas de BCG avant l’âge de 1 mois

L’incidence de la tuberculose est basse en France (7 cas pour 100 000 habitants en 2015) et baisse régulièrement. Cela a amené les experts à reconsidérer le risque de BCGite généralisée chez les enfants ayant un déficit immunitaire combiné sévère, rarement diagnostiqué à la naissance. Actuellement 3 ou 4 cas de BCGite généralisée sont recensés chaque année en France. « Une étude multicentrique internationale a montré très clairement que lorsqu’on vaccine après l’âge d’un mois il y a deux fois moins de BCGites généralisées et deux fois moins de décès liés à cette complication, observe le Pr Floret. Donc notre recommandation est de ne vacciner qu’à partir de l’âge d’un mois, en sachant que le nombre de cas de tuberculose précoce est très faible en France ». Cette recommandation ne s’applique pas à la Guyane ni à Mayotte, où la vaccination à la maternité reste la règle, car il est parfois difficile de vacciner les enfants après la sortie. La vaccination à la maternité est également recommandée en cas de tuberculose dans l’entourage proche du nouveau-né.

Enfin, la pratique d’un test tuberculinique avant le BCG n’est plus recommandée chez les enfants de moins de 6 ans, sauf s’ils ont résidé ou effectué des séjours de plus d’un mois dans des régions de forte incidence. Auparavant, ce test était recommandé à partir de 3 mois. Mais plusieurs études montrent que la positivité est extrêmement rare avant 6 ans et le risque évoqué de réactions indésirables en cas de test positif n’a pas été confirmé.

Un chapitre dédié aux tensions d’approvisionnement

Signe des temps, le calendrier 2017 comporte un nouveau chapitre sur les problèmes d’approvisionnement, qui concernent actuellement le BCG, certains vaccins contenant la valence coquelucheuse, le vaccin contre l’hépatite A et le vaccin contre l’hépatite B. Il reprend les recommandations du HCSP, qui proposait une hiérarchisation des populations prioritaires à vacciner, des schémas vaccinaux qui permettent d’économiser les doses et le recours à des vaccins jusque-là non utilisés en France, comme le BCG importé de Pologne depuis fin mars 2016.

« Pour l’hépatite B il sera probablement possible d’utiliser les vaccins destinés aux insuffisants rénaux (HBVAXPRO® 40 µg, et Fendrix B® 20 µg) et d’importer des vaccins d’autres pays. » Pour la vaccination des professionnels de santé contre l’hépatite B, il est recommandé de repousser la troisième dose jusqu’à la fin de la période de pénurie et de vacciner les personnes déjà vaccinées selon les résultats de la sérologie.

Le vaccin hexavalent reste disponible pour les nourrissons, ce qui ne remet pas en question l’application du calendrier vaccinal.

Un site pour mieux informer le public

La concertation citoyenne l’avait préconisé, c’est désormais une réalité. Partant du constat que l’information est essentielle pour réduire les réticences des Français en matière de vaccination, le ministère de la Santé et Santé publique France ont décidé de profiter de la Semaine européenne de la vaccination pour lancer vaccination-info-service.fr, un site de référence sur la vaccination à destination du public. Pour garantir la fiabilité des informations délivrées, des partenaires institutionnels et des experts ont élaboré et validé son contenu. « En ce qui concerne les questions d’actualité, je pense notamment à la disponibilité de certains vaccins, il y a des liens qui renvoient vers le site de l’ANSM qui est plus à même de répondre à ce type d’interrogation », explique Sandrine Randriamampianina, en charge du site à Santé publique France. S’il vient juste d’être mis en ligne, il sera développé et adapté en fonction des demandes des Français. 

 

Dossier réalisé par le Dr Isabelle Leroy et Roxanne Curtet

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