Surcharge de travail, pression des médecins seniors : un interne en médecine générale sur deux (en première, deuxième ou troisième année), dépasse le temps de travail hebdomadaire réglementaire, révèle une enquête* d'envergure de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), présentée ce vendredi à Tours, lors de leur 20e congrès annuel.
La réglementation européenne prévoit pourtant un temps de travail pour les futurs médecins de 10 demi-journées dont huit en stage et deux en formation (universitaire et en autonomie), soit 48 heures hebdomadaires.
Les résultats de l'enquête montrent une tout autre réalité. Si 84,7 % des jeunes généralistes en stage ambulatoire respectent ce temps de travail maximum, seulement 35,5 % y parviennent en milieu hospitalier. 3,9 % des jeunes interrogés déclarent même dépasser les 80 heures par semaine en établissement.
« Dans les services hospitaliers exposés à des tensions et à un manque de personnel médical suffisant, il est souvent demandé aux internes un investissement important, avec le risque d’un dépassement notable de leur temps de travail et in fine un épuisement professionnel », analyse le syndicat.
D'autres résultats indiquent que les stages en médecine d’urgence et en médecine adulte sont les plus pourvoyeurs de dépassement du temps de travail. Plus de 40 % des jeunes y travaillent entre 48 heures et 60 heures.
Un interne en médecine générale sur trois assure également plus de 80 heures de travail hebdomadaire dans le cadre d'un stage couplé femme/enfant.
Interrogés sur les raisons de ces lourds horaires, 84 % précisent être contraints par des obligations de service.
« Les internes se confrontent parfois à une génération de médecins ayant connu des conditions de travail peu réglementées : nombre excessif d’heures, absence de repos de sécurité obligatoire après une garde, etc. Pour cette génération, l’idée que la médecine ne peut s’apprendre qu’ainsi semble parfois ancrée », raisonne le syndicat.
La récupération du temps de travail supplémentaire effectué est un autre point d'inquiétude pour l'ISNAR-IMG. Son enquête démontre qu'un quart des internes de médecine générale essuie un refus lorsqu'ils font une demande.
Le point noir des gardes
Le manque de respect de la réglementation relative aux gardes est l'autre révélation de l'enquête de l'ISNAR-IMG.
36 % des internes déclarent dépasser le régime de base (soit une garde de nuit par semaine et un dimanche ou jour férié par mois). Plus d'un interne sur deux (56,7 %) déclare même ne pas avoir perçu de compensation spécifique aux gardes supplémentaires prévue par les textes réglementaires. « Un tableau de service doit permettre de repérer facilement, pour chaque interne, le nombre de garde en sus du service normal, et donc de les faire rémunérer à juste titre », rappelle l'ISNAR-IMG qui propose une aide juridique aux jeunes médecins.
Autre difficulté : 4 % des internes réalisant des gardes n'ont pas bénéficié d’un repos de sécurité de 11 heures, pourtant obligatoire depuis 2002 après 24 heures de travail. C'est une minorité mais cela n'en est pas moins une réalité pour l'ISNAR-IMG : « Il arrive encore que certains chefs de service refusent l’accès au repos de sécurité à l’interne, argumente le syndicat. Il peut être encouragé à réaliser leurs demi-journées de formation sur ces temps de repos de sécurité. Ceci ne permet ni d’être en condition correcte d’apprentissage, ni d’être efficace dans la prise en charge des patients le lendemain. »
Même constat pour les demi-gardes dont le but est de venir en aide à la ligne de garde médicale. Plus d'un quart des répondants en réalisent, sauf que dans un cas sur deux, le repos de sécurité n’est pas respecté. Et 8 % précisent ne pas avoir été rémunérés. « Les horaires de ces créneaux sont définis arbitrairement [...], explique l'ISNAR-IMG. Sur le plan réglementaire, la demi-garde est définie exclusivement pour encadrer la demi-journée de travail du samedi après-midi. Les demi-gardes proposées en semaine, dès qu’elles dépassent 21 heures, pourraient donc, en l’absence de caractérisation réglementaire, être considérées comme des gardes. »
Le chapitre dédié aux deux demi-journées de formation (universitaire et en autonomie) n'est pas rose non plus. Ces plages qui permettent aux internes de suivre des enseignements théoriques en lien avec leur DES, de travailler sur leur thèse ou encore de réaliser un diplôme universitaire (DU) s'avèrent parfois impossibles à caser dans l'emploi du temps. 8,8 % des juniors se voient refuser leur demande de disposer de leurs demi-journées de formation universitaire et 15,5 % pour leur formation en autonomie. Plus d'un tiers de ces refus se retrouvent dans le stage pédiatrie/gynécologie et plus de 20 % dans celui de médecine adulte.
Moratoire sur la mise en danger des internes
Face à ces résultats alarmants, l'ISNAR-IMG formule une quinzaine de propositions pour en finir avec les dérives sur les conditions et le temps de travail.
L'intersyndicale recommande de définir un volume horaire maximal d'une demi-journée et de l'inscrire dans les textes réglementaires. Le syndicat appelle également à être intransigeant vis-à-vis des établissements ne respectant pas la législation et souhaite que des sanctions financières soient appliquées, comme l'explique sa présidente Lucie Garcin au « Quotidien ». Ce n'est pas tout. La présidente de la structure veut aussi réévaluer et suspendre l'agrément des terrains de stage dès qu'ils ne respectent pas le temps de travail, ni le repos de sécurité de garde.
Sur les conditions de travail, l'ISNAR-IMG souhaite engager une concertation afin que les récupérations (calculé en demi-journée) soient automatiquement délivrées dès que l'interne dépasse les 48 heures. Dans la même veine, elle réclame un moratoire sur « la mise en danger » des internes qui sont privés de leur repos de sécurité. Elle propose aussi de limiter à six le nombre minimal d'internes pour la tenue d'une ligne de garde (toujours pour limiter les situations de dépassement horaire) et milite enfin pour une meilleure réglementation autour des demi-gardes, avec des horaires encadrés et un repos de garde de sécurité préservé.
* Enquête en ligne réalisée auprès de 940 internes en médecine générale via un questionnaire, de mai à novembre 2018.
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