De plus en plus d'arrêts de travail liés à des causes professionnelles

Forte progression du taux d'absentéisme dans les entreprises

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Publié le 15/06/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

C'est une tendance à la hausse qui ne se dément pas. La troisième grande étude* du cabinet Réhalto sur les arrêts de travail auprès de 302 DRH et 1 497 salariés traduit la progression constante du taux d'absentéisme, la forte croissance des arrêts liés à des causes professionnelles (organisation, pratiques managériales) mais aussi les lacunes persistantes en matière de prévention et d'accompagnement des salariés.

Selon ce baromètre, 40 % des salariés ont été arrêtés au moins une fois au cours de 2016 (+2 points par rapport à 2015) ; en moyenne, les salariés ont déclaré 14,2 jours d'arrêt de travail l'an passé, volume en progression constante (10 jours en 2014, 12 en 2015). Profil type : une femme dans la tranche d'âge 30/39 ans, employée dans le secteur des services ou du transport (ou ouvrière).

Coûte que coûte

Conséquence directe, le taux d'absentéisme (qui mesure le rapport entre le nombre total de jours d'absence et le nombre de jours calendaires) s'établit au niveau de 3,9 % en 2016 dans les entreprises de plus de 50 salariés (contre 3,3 % en 2015 et 2,8 % en 2014), soit un record depuis la création de ce baromètre. Les taux d'absentéisme des moins de 30 ans (2,7 %) et des cadres (1,6 %) sont les plus faibles. 

Sans surprise, les arrêts courts restent très majoritaires : près de deux tiers (64 %) sont d'une durée inférieure à une semaine, 29 % oscillent entre une semaine et trois mois et 7 % dépassent le trimestre. Contrairement à certaines idées reçues, le baromètre illustre la réticence des salariés à stopper facilement leur activité en cas de difficulté « nécessitant un arrêt maladie ». Si 59 % prennent cette décision d'arrêt (dont 26 % sans hésiter), 31 % continuent de travailler et 10 % choisissent plutôt de poser un congé (CP ou RTT). Principales raisons invoquées pour continuer coûte que coûte : la crainte d'une baisse des revenus, la charge de travail et l'angoisse d'être mal perçu(e) par sa hiérarchie ou ses collègues. « À rebours de l'image du salarié tire-au-flanc, ces données traduisent le surprésentéisme, source de possibles dysfonctionnements », analyse Christian Mainguy, président de Réhalto.  

Pratiques managériales, changements permanents…      

Si 82 % des arrêts posés sont liés à une maladie ordinaire (devant les accidents du travail, maladies professionnelles et accidents de trajet), l'enquête révèle que plus du quart des salariés arrêtés (27 %) associent directement cette coupure subie à une cause professionnelle (en priorité des tensions liées à l'organisation du travail, puis des difficultés liées aux pratiques managériales). Ce score est en forte hausse par rapport à la précédente enquête (+7 points). C'est la charge de travail qui est ici le plus souvent citée devant l'environnement physique, les mauvaises relations avec la hiérarchie et le manque de reconnaissance. « Les changements permanents, les restructurations, le reporting, les injonctions contradictoires » constituent un décor anxiogène, complète Christian Mainguy.    

Mais surtout, le ressenti des salariés contraste avec la vision des DRH qui, de leur côté, imputent très rarement ces arrêts à une cause principalement professionnelle (2 %). « Une forme de déni », suggère Christian Mainguy qui invite les DRH à se saisir du sujet de l'absentéisme et à en comprendre les causes, un « enjeu majeur pour les entreprises ».

L'étude traduit enfin le fréquent sentiment d'abandon des salariés arrêtés. Selon Réhalto, un tiers d'entre eux expriment un besoin d'accompagnement, un taux qui bondit en cas d'arrêt long (74 %). Les mesures les plus citées sont, dans l'ordre, l'adaptation du poste et des conditions de travail, une considération supplémentaire des supérieurs, un soutien administratif, puis une aide psychologique, le suivi par le médecin du travail ou d'autres outils (soutien financier, conseils). « Le retour est vécu comme un moment angoissant par plus de 80 % des salariés », rappelle l'étude. Certains pays, comme la Belgique, proposent d'ailleurs un projet de réintégration après une absence prolongée. 

Autre lacune tricolore : moins d'une entreprise sur deux a mis en place à ce jour des actions spécifiques de prévention des arrêts de travail… Pourtant, au-delà du cadre réglementaire (évaluation des risques et de la pénibilité), beaucoup de leviers existent comme l'analyse ergonomique des postes, les formations aux risques professionnels ou aux risques psychosociaux, la prévention des TMS, le coaching des managers ou des réseaux d'alerte interne pour lancer un SOS quand il est encore temps.

       

*Enquête réalisée par l’Institut BVA auprès de deux échantillons : l'un représentatif de 1 497 salariés d’entreprises de plus de 50 personnes (par Internet du 18 au 24 avril 2017) ; l'autre auprès de 302 DRH d'entreprises de plus de 50 salariés (interrogés par téléphone du 04 au 25 avril 2017). Le cabinet Réhalto est une filiale du groupe SCOR.

Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin: 9589