Docteur junior au CHU de Rennes (DES de médecine d'urgence), Marie Glaçon a découvert les urgences de l’établissement il y a trois ans, avant de passer les six derniers mois dans le service. Depuis le 1er novembre, elle exerce au SAMU en continuant à faire des gardes aux urgences. Pour « Le Quotidien », elle revient sur la grève des personnels depuis lundi 15 novembre à minuit et sur la forte dégradation des conditions de travail des urgentistes, épuisés et souvent en burn-out. « Inquiète pour l’avenir de l’hôpital public », elle ne sait pas si elle a « envie de travailler dans ces conditions-là ». Si les médecins n’ont pas rejoint le mouvement de grève lancé par les paramédicaux, plusieurs d'entre eux soutiennent les grévistes qui réclament des créations de postes, la hausse du nombre de lits d'aval et du matériel supplémentaire.
LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation aux urgences du CHU de Rennes ?
Dr Marie GLAÇON : Cela fait des mois que l’on subit une augmentation de notre activité d’environ 30 %. On tourne à 200 passages par jour, avec des pics à 220 ou 230, alors qu’on tournait à 160 passages il y a trois ans ! On craint le pire pour l’hiver qui s’annonce, à cause de l'arrivée des pathologies hivernales, voire d'une cinquième vague. On a l’impression de mettre en danger les patients quotidiennement.
Quand on a 25 patients dans un secteur en même temps, avec deux infirmiers et un aide-soignant, c’est ingérable. L’équipe médicale a écrit un courrier à la directrice générale de l’hôpital et à l’agence régionale de santé de Bretagne pour souligner que l’on était très en dessous des recommandations de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) concernant le nombre d’effectifs paramédicaux. C’est notamment pour cela que le personnel paramédical est en grève.
Quelles sont les conséquences sur les conditions de travail des urgentistes ?
Elles sont devenues très difficiles en raison de la hausse du flux de patients. Nous n’avons pas suffisamment de temps pour « se poser » sur les dossiers. Le temps alloué à chaque malade a diminué, donc on a beaucoup plus de risques de passer à côté de patients dans un état grave et qui nécessiterait une surveillance plus rapprochée.
Il y a tellement de personnes qui patientent dans le couloir que cela devient difficile de gérer la totalité du nombre de malades en même temps. Il y a trois ans, il y avait des journées difficiles, d’autres plus calmes… Mais aujourd’hui, il ne s’agit plus uniquement de pics, la courbe des flux est devenue linaire.
Quelles sont vos revendications ?
Beaucoup d’urgentistes sont en burn-out, même s’ils ne sont pas en arrêt maladie pour ne pas mettre les autres en difficulté. La plupart des urgentistes aimeraient que l’on augmente le nombre de personnels médicaux et paramédicaux, car c’est ce qui met le plus en difficulté nos urgences. Ils demandent des effectifs pérennes et non des renforts occasionnels, mais aussi l’ouverture de lits supplémentaires. Nous aimerions être plus entendus, plus soutenus par la direction. On a l’impression qu’ils ne savent pas le métier que l’on fait.
À l’image du directeur des ressources humaines qui a déclaré début novembre dans la presse : « Les patients qui attendent dans les couloirs, c’est courant aux urgences. Ça n’empêche pas de faire des toilettes derrière un paravent. De manière caricaturale, les patients sont mieux dans les couloirs que dehors. » Pour les équipes paramédicales, c’est la goutte d’eau. Certains sont aussi en burn-out et beaucoup pensent à quitter le CHU.
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