C’est un rapport édifiant que vient de dévoiler l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). En plus de mettre en avant la croissance des signalements des établissements sur un an, l’édition 2020 (qui porte sur les données 2019) décrit le ras-le-bol profond des soignants, grâce à d’innombrables verbatims crus et parfois choquants.
Exactement 23 780 signalements différents d’atteintes aux personnes et aux biens ont été recueillis (+1,8 %) en provenance de 451 établissements déclarants, eux-mêmes toujours plus nombreux (+5,9 %) même s’ils ne concernent que 35 % des hôpitaux publics, 5,5 % des cliniques et 3,6 % des ESPIC. Mais c’est à travers la parole directe des soignants eux-mêmes, largement compilée cette fois-ci, que la réalité de la violence quotidienne est le mieux perceptible.
Un sabre de 30 centimètres
S’agissant des atteintes aux personnes – qui représentent 81 % des signalements – les témoignages d’agressions physiques sont légion. Dans une unité d’urgences en psychiatrie, « un patient attend que l’infirmière se trouve le dos tourné, se jette violemment sur elle, la traîne par terre en la tirant par les cheveux et lui assène des coups de pied et de poing », retranscrit le rapport. Dans un service de médecine, un patient convoque une aide-soignante dans sa chambre pour l’agresser aussitôt. « Le patient a sauté sur l’aide-soignante et lui serre le cou alors qu’elle avait le dos tourné pour éteindre la sonnette. D’une main, le patient tient le cou de l’agent et de l’autre lui tire les cheveux. Le patient est incohérent et est très énervé, il est difficile de lui faire lâcher prise », peut-on lire. Selon le rapport, les infirmières et les aides-soignantes sont de loin les plus exposées parmi les blouses blanches ayant subi des violences (les médecins représentant 8 % des victimes).
Plusieurs situations glaçantes de violence avec arme sont recensés. « Le patient a sorti un sabre d’une trentaine de centimètres qu’il cachait dans son dos en direction des agents de sécurité et a crié : "Sortez de ma chambre ou je vais vous planter !" », relate une infirmière dans un centre hospitalier. Dans un service d’urgences, « un chauffeur bloque le passage des pompiers, il menace l’agent de sécurité avec un couteau lorsque celui-ci lui demande de déplacer son véhicule », rapporte un autre signalement.
Valises, espadrilles, instrument de musique, pied à perfusion… Beaucoup d’armes par destination sont utilisées contre les personnels de santé. « À 0 h 45, le patient hospitalisé s’est levé malgré les barrières du lit. À mon entrée dans le box, il était debout avec le ventilateur à la main et m’a violemment frappée à plusieurs reprises sur le crâne et la pommette droite », relate une soignante dans un service de médecine. Certaines situations dramatiques ont été évitées de justesse. Un « patient a essayé d’étrangler un aide-soignant avec le cordon de téléphone, arrêté par une infirmière avant de réaliser son acte », a signalé un service de soins de suite et de réadaptation (SSR).
« Je vais t’éclater la tronche »
Le rapport de l’ONVS fait cette année un focus sur les violences verbales à l’hôpital, de plus en plus nombreuses, fléau du quotidien. Beaucoup de ces situations relèvent de menaces physiques. « Toi, je t’attends à 17 heures, toi, quand je te vois en ville, je vais t’éclater la tronche », retranscrit un service de psychiatrie. Dans un autre signalement, c’est le père d’un patient admis aux urgences qui s’est montré violent à l’encontre d’un soignant. « Je vais te péter les dents et je vais te casser les jambes, allez, vas-y appelle la police ! », est-il signalé.
Les menaces de mort ne sont pas rares. Un détenu : « sale p…, tu vas voir à ma sortie, je vais te crever ! ». Aux urgences : « j’ai bien retenu ta tête, je vais te brûler vif, de toute façon tu es en sursis ». Dans un service de médecine, un patient « menace de tuer (les soignants) à la kalash et de les suivre jusqu’à leur domicile et de s’occuper de leurs enfants », peut-on lire.
À de nombreuses reprises, des insultes mettant en cause la compétence des professionnels ou la qualité des soins sont rapportées par les hôpitaux. Un patient « demande d’être soigné chez un médecin français, n’a pas confiance aux médecins étrangers. Se demande s’il doit aller se faire soigner chez un vétérinaire », relate le signalement d’un service d’urgences. « J’ai des amis médecins sur l’hôpital qui sont partis d’ici car le personnel dans les services est incompétent comme vous, vous êtes des incompétentes et je vous parle en connaissance de cause, on a assassiné mon père aux urgences les années passées », a déclaré un patient aux agents qui le prenaient en charge dans un service de médecine.
Saturation
Face à ces débordements, les soignants ne cachent pas leur ras-le-bol dans les signalements transmis à l’Observatoire. À la suite d’une agression aux urgences, un agent administratif témoigne : « Cet incident m’a causé une hausse de tension ainsi qu’un stress, je me suis sentie mal pendant le reste de ma garde ». « Je ne viens pas travailler pour me faire insulter, s’offusque l’agent d’une pharmacie à usage unique d’un centre hospitalier. Derrière un professionnel de santé qui fait déjà de son mieux pour gérer au mieux les humeurs des patients et prend beaucoup sur lui, se trouve un être humain qui demande juste le respect. »
De manière plus globale, le rapport met en avant le sentiment de « saturation » exprimé par les soignants. « Angoisses », « insécurité », « défaut de soutien », « trouble de la tranquillité du service » ou encore « très forte humiliation », sont rapportés par les déclarants hospitaliers. Cette citation d’un soignant des urgences reflète l’état d’esprit général retranscrit dans ce rapport : « Nous ne sommes pas là pour prendre des coups ni pour nous faire insulter de la sorte. Nous sommes là pour prendre soin des gens. Nous arrivons à saturation car cela est quasi-quotidien ».
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