Lundi 31 janvier, le CHU de La Réunion a dû ouvrir en urgence dix lits d'hospitalisation Covid+ au sud, qui s'ajoutaient aux sept ouverts sur le site nord la veille. Soit 146 lits au total, répartis entre le CHU, le Centre hospitalier de l'ouest (CHOR), le Groupement hospitalier de l'Est (GHER) et les établissements privés (Clinifutur, Les Flamboyants). Au dernier décompte consolidé de Santé Publique France, le taux d'incidence était 5 480 pour 100 000 habitants avec un taux de positivité de 38 %. L'île est devenue le département français le plus touché par la pandémie.
Si la tension est forte sur les services de réanimation du CHU et du CHOR, c'est aujourd'hui surtout l'afflux de patients positifs nécessitant une hospitalisation en médecine qui inquiète. « En fin de semaine dernière, nous étions à 129 lits de médecine Covid+, répartis entre le CHU, le CHOR, le GHER et les cliniques privées qui sont venues en renfort », explique le Dr Philippe Ocquidant, directeur médical de crise au CHU et chef du service de réanimation du site sud. Il y a quelques jours, ce nombre a été porté à 146 lits, dont 136 occupés…
Solidarité du privé
Depuis plusieurs semaines en réalité, les hôpitaux sont à flux tendu sur le front de l'épidémie. Le CHU augmente en permanence ses capacités d'accueil en service de réanimation, le CHOR étant lui aussi saturé. Le taux d'occupation en réa varie entre 90 % et 98 %. Face à la pression, le directeur général du CHU de La Réunion, Lionel Calenge, a activé le plan blanc, le 19 janvier. « Sans cette décision, nous n'aurions pas pu faire face à la saturation des services, explique-t-il. Nous tenons grâce au formidable élan de solidarité et d'adaptabilité des hôpitaux publics et des établissements privés ».
Des renforts ont même été demandés mi-janvier à la réserve sanitaire : deux médecins anesthésistes-réanimateurs et six IDE sont arrivés le 21 janvier sur l'île et devraient être prolongés pour la plupart au-delà des 15 jours de la rotation. « En conservant les effectifs présents, il nous manque encore un médecin anesthésiste-réanimateur, un médecin généraliste et dix IDE », avertit le directeur général.
Une stratégie d'immunité collective ?
Malgré cette cote d'alerte, les autorités ont opté pour le non-renforcement des mesures de restriction des déplacements. En ville, les médecins libéraux ne cachent pas leur incompréhension. « Fin décembre, alors qu'Omicron commençait à se répandre, nous nous attendions à des mesures de freinage de type confinement partiel, limitation des déplacements et renforcement du couvre-feu en cours de 21h à 5h ! L'ARS l'avait envisagé et finalement le choix s'est porté sur la recherche d'une immunité collective pour freiner l'épidémie qui est désormais hors de contrôle », analyse le Dr Reuben Veerapen, chirurgien vasculaire et président du collège spécialistes de l'URML Océan indien.
Même écho critique du côté de la Dr Christine Kowalczyk, médecin généraliste et présidente de l'URML OI. « Les cabinets libéraux médicaux et infirmiers, ainsi que les laboratoires et les pharmacies qui assurent le dépistage, sont totalement saturés, souligne-t-elle. Il aurait fallu remettre en place un confinement strict pendant quinze jours dès que la vague Omicron a commencé à prendre de la vitesse ».
Absentéisme et courant antivax
Pour ces praticiens, le choix des autorités de ne pas tenter de freiner l'épidémie à tout prix tient compte du retard de vaccination important sur l'île. Au 23 janvier, 63,5 % de la population totale seulement disposait d'un schéma vaccinal complet. « Il y a un fort courant d'opposition à la vaccination à La Réunion, donc le choix de favoriser une immunité collective naturelle n'est pas un mauvais choix en soi, mais encore faut-il pouvoir accueillir tous les patients contaminés nécessitant une hospitalisation sans perte de chance pour les autres patients », recadre le Dr Reuben Veerapen, qui s'inquiète de l'épuisement des soignants. « Au CHU, la moitié des blocs opératoires ont été fermés pour redéployer les équipes », insiste le Pr Peter von Théobald, président de la CME du CHU.
La Réunion devrait bénéficier d'une livraison prioritaire de vaccins Novavax d'ici à quelques semaines afin de « contourner » l'hostilité à la vaccination en proposant un sérum sans ARNm. Mais pour la Dr Nadia Ramassamy, médecin généraliste et députée (LR) de la Réunion, cette mesure n'aura pas grande portée localement en raison de la puissance du courant antivax « dur ». Pour les hospitaliers, l'urgence est plutôt d'assurer l'arrivée des renforts espérés alors que le CHU, sur le fil, fait face à un taux d'absentéisme aggravé en raison de la vague de contaminations qui n'épargne pas les soignants.
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