Comment les jeunes médecins perçoivent-ils l'entrée dans une carrière hospitalo-universitaire (HU) ? Peuvent-ils mener de front leur triple mission (de soignant, d’enseignant et de chercheur), ainsi que leur rôle managérial ? Quels sont les freins ? C’est pour répondre à ces questions que le syndicat Jeunes Médecins (JM) a réalisé une enquête sur l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires, dans un contexte déjà très marqué par le malaise hospitalier.
Dévoilés ce mardi, les résultats de cette étude menée du 3 au 27 mars dernier auprès des 250 répondants (âgés en moyenne de 34 ans) – toutes spécialités et tous statuts confondus – sont alarmants. Longtemps considérés comme des symboles de prestige et d'excellence, épargnés par les crises hospitalières, les CHRU sont aujourd’hui « les dernières briques du délitement de l’hôpital public », considère le président de Jeunes Médecins Emanuel Loeb. Et d’évoquer, là aussi, une vague de départs de praticiens désenchantés, notamment parce qu’ils « ne font pas assez de recherche ou d’enseignement ». D'où la nécessité de réformer le statut hospitalo-universitaire.
Trop de contraintes
La motivation initiale est variable. Une fois le clinicat terminé, presque la moitié des anciens chefs de clinique assistants (CCA) sont engagés dans une carrière universitaire. 43 % d’entre eux font ce choix en raison de leur attrait pour la recherche, en particulier la recherche fondamentale, une minorité pour le prestige du titre (4%) ou le management (4%). Mais déjà, trois quarts d'entre eux ne sont pas satisfaits du mode de recrutement des hospitalo-universitaires titulaires (MCU et PU).
Toutefois, un nombre croissant de ces jeunes HU seraient sur le départ, affirme le syndicat Jeunes Médecins qui n’a pas donné de chiffres précis sur le sujet. À l’image du Dr Thibaut Jacques, 33 ans, qui vient de démissionner de son poste de MCU-PH (maître de conférences des universités – praticien hospitalier) au CHU de Lille.
Pourquoi ces jeunes renoncent à leur carrière universitaire ? Parce qu’elle n’est « pas valorisée » (41 %), qu’elle est jugée « trop contraignante et trop politisée » pour 30 % d'entre eux (ils citent la mobilité, la flexibilité, les congés, etc.) mais aussi par l'absence d’intérêt (13,1 %) ou à cause de la durée de la carrière (12 %). Surtout, près des trois quarts sont insatisfaits de la protection sociale des hospitalo-universitaires. L'impossibilité totale de mener à bien toutes les missions concerne 4 % d'entre eux.
L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée se révèle très fragile. Ainsi, 40 % d’entre eux n'en sont pas satisfaits, 40 % sont particulièrement mécontents des modalités du congé maternité en tant que HU, tandis que 50 % ont eu des difficultés à faire garder leurs enfants en raison de problèmes d’horaires, de places en structure ou de problèmes financiers.
Course contre la montre pour la recherche et l'enseignement
La triple mission des HU et le rôle managérial est un autre défi quasi-impossible. Selon l'enquête, la médiane de temps consacré aux soins est de trois jours par semaine. Or, « les HU ne sont pas prioritairement là pour faire de l’activité clinique. Ils peuvent en faire, mais ils doivent en être autant que possible déchargés pour pouvoir faire de l’enseignement », recadre Emanuel Loeb. Plus grave, seuls 25 % des médecins prennent systématiquement leur repos de sécurité…pourtant obligatoire.
Côté recherche clinique, deux tiers des médecins ayant cette activité y consacrent moins d’un jour par semaine (recherche fondamentale incluse). Le manque de moyens est stigmatisé. La moitié d’entre eux ne disposent pas du matériel nécessaire pour mener à bien leurs recherches. Ce n'est guère mieux en matière de recherche fondamentale, puisque 66 % ne bénéficient pas de financement ad hoc dans le cadre d’un cursus recherche. Du coup, plus de la moitié des répondants jugent que le statut HU n'est pas adapté aux enjeux de la recherche biomédicale, surtout par manque de temps et de financement.
Autre cause de désenchantement : le peu de temps – toujours – accordé à la valence enseignement. 89 % des répondants ayant une telle activité universitaire ne consacrent pas plus de 10h par semaine à la préparation des cours et 54 % moins de 5 heures. Et seule la moitié a bénéficié d’une formation à la pédagogie… Les trois quarts considèrent que cette valence d'enseignement « n'est pas valorisée ». Dans la même veine, moins de 10 % des praticiens concernés ont bénéficié d'une formation en management.
La problématique de l’égalité hommes-femmes a également été abordée. 83,7% des universitaires jugent que le nombre de femmes accédant aux carrières HU n’est « pas du tout ou peu représentatif de la proportion de femmes du corps médical ». Pour le Dr Lamia Kerdjana, trésorière de Jeunes Médecins, « il y a une féminisation de la profession mais le modèle que les femmes ont en face d’elles ne correspond pas à leurs envies ou leurs aspirations. » Un phénomène qui « décourage d’emblée certaines femmes de vouloir s’engager dans ce type de carrières hospitalo-universitaires ».
La fin des nominations à vie de PU-PH
Parce que le statut HU est aujourd'hui en question, Jeunes Médecins avance plusieurs propositions pour le moderniser. Le syndicat réclame en premier lieu « un temps de travail dédié pour chaque valence » (avec contractualisation du temps de recherche). Il souhaite aussi la revalorisation des valences enseignement et management dans l’évolution de la carrière. Autre requête : des augmentations salariales « tout au long de la carrière », avec intégration du temps de travail hospitalier dans le calcul de la retraite, une vieille revendication.
Au sujet de l’accessibilité des femmes aux carrières HU, « une attention particulière doit être donnée à la valorisation du congé maternité et à l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle », en facilitant les moyens de garde et la flexibilité du temps de travail.
Il convient aussi de mieux accompagner les mobilités financièrement et de faciliter l'obtention de crédits pour les projets de recherche (alors que d'autres pays font beaucoup mieux dans ce domaine). Côté carrières, JM souhaite « en finir avec la nomination à vie des PU-PH » et ne renouveler leur poste qu'en fonction de la qualité et de la pertinence de leurs travaux. Il serait urgent aussi d'« améliorer la transparence et la visibilité de l'attribution des postes en amont ».
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