Le Dr Julien Huntzinger dirige le service de réanimation de l’hôpital de Vannes (Morbihan). Si l’afflux de patients est soutenable jusqu’à présent, le praticien s’inquiète de « l’effet cumulatif » que pourrait provoquer l’épidémie. Les patients atteints par le coronavirus ont une durée de séjour plus élevée et risquent d'emboliser les services, explique-t-il au « Quotidien ».
LE QUOTIDIEN : Dans quelle mesure votre service est-il touché par l’épidémie de coronavirus ?
Dr JULIEN HUNTZINGER : Nous sommes probablement une des réanimations les plus impactées par le Covid-19. Le premier cas diagnostiqué sur le territoire de santé a été d’emblée un cas grave admis dans notre service. Il est arrivé le samedi 29 février. L’hôpital s’est alors organisé pour structurer les choses.
Dans ces cas-là, l’enjeu n’est pas directement le service de réanimation mais plutôt tout ce qu’il y a autour : les urgences, le dépistage, l’information au public… C’est monté progressivement chez nous. Le nombre de cas augmentant, le nombre de patients nécessitant une réanimation s’est accru. Il est toujours très important puisque le tiers de notre réanimation est aujourd’hui occupé par des patients atteints du Covid-19.
Comment le service s’adapte-t-il à cet afflux de patients ?
Des réunions de crise quotidiennes ont lieu avec l’agence régionale de santé.
Nous n’avons pas encore déclenché le plan blanc mais nous en avons repris certains éléments. Nous avons par exemple transformé les unités de soins continus en réanimation. Cela a permis de compenser la hausse des admissions.
En coordination avec les autres services, nous avons aussi réussi à accélérer la sortie des patients en attente de lit. Enfin, en cas de besoin nous avons aussi pu utiliser les réanimations des hôpitaux de Lorient et de Rennes pour nous aider. Mais pour l’instant, il n’y a pas eu de déprogrammations massives à l’hôpital de Vannes.
Cette réorganisation demande du personnel, que nous avons obtenu grâce à la bonne volonté des gens. Dans l’unité de soins continus il a fallu passer de trois à cinq infirmières pour 24 heures. Les paramédicaux sont prêts à faire des heures supplémentaires, donc nous n’avons pas eu trop de soucis.
Pour l’instant, ça tient. Mais si ça continue, l’étape suivante consistera à appeler des personnels d’autres services ou éventuellement de rappeler des jeunes retraités. Tous les jours nous faisons le point avec la direction et les cadres de santé sur l’état des effectifs et sur les projections pour les jours à venir car la crise peut durer.
Allez-vous pouvoir tenir ?
L’épidémie se développe progressivement donc on n’est pas arrivé à saturation mais de nouveaux patients entrent régulièrement. Je dirais que notre activité a augmenté de 20 % à 30 % par rapport à une période normale.
Aujourd'hui, nous craignons un effet cumulatif. Car les entrées liées à l’épidémie sont souvent graves et nécessitent des durées de séjour importantes. Dans le service, nous avons au total 20 lits. À ce jour, trois sont libres, ce qui correspond à une situation standard dans une réanimation. Tant qu’on a ces trois lits, on peut tenir. Mais quand les deux tiers des lits seront pris par des patients atteints du Covid-19, on n’arrivera plus à tourner.
Les patients atteints que nous recevons sont des formes graves dont j’estime la durée moyenne de séjour entre trois et quatre semaines. C’est encore très difficile à évaluer car nous ne sommes qu’au début de l’épidémie mais, sur tous les patients que nous avons admis, un seul a pu sortir jusqu’à présent car il n’a pas eu besoin de techniques lourdes de réanimation.
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