« Des personnes vont décéder cet été aux urgences », a alerté jeudi le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), lors d’une conférence de presse intersyndicale (CGT Santé, CGT, CFE-CGC, SUD, collectifs inter-hôpitaux, inter-blocs et Inter-urgences, Printemps de la psychiatrie, coordination des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité), qui a mis en garde sur le risque d'« effondrement » de l'hôpital. Conséquence redoutée ? « Des gens vont porter plainte, prévient Patrick Pelloux. Et moi, je ne veux pas que les médecins et les personnels soignants soient les boucs émissaires de la faillite du système qui a été prévue et organisée. »
Alors que les urgences craquent sur tout le territoire, avec au moins 120 services recensés en détresse, « on ne sait pas où on va mettre les gens en cas de canicule », illustre l'urgentiste. Raison pour laquelle les intervenants portaient un brassard noir, après avoir accroché à leur table une housse mortuaire noire sur laquelle on pouvait lire « morgue ».
Lignes de garde incomplètes
« Tout le monde a du mal à boucler ses lignes de garde. Si jamais un de nos collègues tombe malade, ce sera l’effondrement », s’inquiète encore le président de l’Amuf qui pointe une situation catastrophique dans d'autres secteurs, comme la pédopsychiatrie, ou la filière AVC avec plus de 20 % des lits fermés en Île-de-France.
Dans ce contexte, cette énième « mission flash » sur les urgences confiée par Emmanuel Macron au Dr François Braun, patron de Samu-Urgences de France (SUdF), est perçue par ces organisations comme inutile alors que les constats et remèdes sont « déjà connus ». Et de se souvenir que le dernier rapport sur les urgences (2019) avait été co-rédigé par le Pr Pierre Carli, vice-président de… SUdF, syndicat qui milite pour « la fermeture des petites urgences et le regroupement des structures ». Quant au président de la Société française de médecine d'urgence (SFMU), qui contribue lui aussi à cette mission flash, il « refuse d'augmenter la rémunération de la garde pour les PH », affirme le président de l’Amuf.
Même critique du côté du collectif Inter-urgences (CIU). Pierre Schwob, son vice-président, juge que cette mission express est une « insulte » faite aux soignants – le précédent rapport de 2019 ayant abouti à la mise en place du « forfait patient urgences » qui visait « à limiter, voire dissuader l’accès aux urgences ». Sur le fond, l’infirmier de l'hôpital Beaujon (AP-HP) craint que cette mission ne débouche sur « la nécessité d’une régulation avant l’arrivée aux urgences. On ne pourrait plus arriver par nos propres moyens, on devrait faire appel au 15 ». Comme ses collègues, il appelle de ses vœux une remise à plat du système de santé « dans son ensemble », en traitant les questions centrales de permanence des soins et de déserts médicaux.
Tir de barrage des syndicats de PH
En parallèle de cette conférence, d'autres centrales de praticiens hospitaliers ont exprimé ces derniers jours leur agacement, voire leur colère, au sujet de la mission Braun sur les urgences. Réclamant l'annulation de ce « comité Théodule », le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (SNPHAR-e) juge cette mission « inutile, oubliant qu'il s'agit d'un problème systémique, national, de l'ensemble du système de santé ». Le syndicat s'étonne de la composition de ce groupe d'appui et dénonce une « confusion des genres », avec la mise à l'écart du corps intermédiaire que sont les organisations syndicales « légitimes ».
Pas en reste, la centrale Action Praticiens hôpital (APH) ironise sur l'effervescence politique autour des urgences et de l'hôpital, à la veille de l'été, alors que la crise couve depuis des lustres. « Voici que les fermetures en cascade de services hospitaliers provoquent subitement une agitation médiatico-politique qui oblige le gouvernement à des gesticulations en catastrophe et des simulacres de concertations, tacle APH. Peut-être pour éluder encore, pendant la campagne des législatives, l’insécurité actuelle ? »
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »