LE QUOTIDIEN – On entend peu les médecins hospitaliers ces derniers temps – comparé aux infirmières, par exemple. Sont-ils satisfaits de leur sort, assommés, résignés… ?
Dr FRANçOIS AUBART – Les médecins ne sont pas déprimés, ils sont écartés, évincés, marginalisés et évidemment, comme ils sont au front, cette situation est inacceptable. Nous allons le faire savoir. Les organisations syndicales vont s’exprimer toutes ensemble et cette unanimité est un signe : une étape a été franchie dans l’inquiétude et dans la volonté de changer le rapport que nous entretenons avec la décision politique. Car la situation devient insupportable.
Vous considérez que, contrairement à ce que laisse entendre le président de la République, tout n’est pas réglé à l’hôpital ?
Non seulement tout n’est pas réglé mais je me demande s’il est intentionnel de pousser la communauté médicale – en ville comme à l’hôpital – à un tel niveau d’exaspération. Je conviens que l’ampleur de la crise est telle qu’il est évident que des mesures importantes doivent être prises. Mais à qui va-t-on faire croire que cela sera possible si l’on met de côté les principaux acteurs de la dépense que sont les médecins ! C’est un peu le même scénario que pour la grippe A : derrière les décisions, il y a une grille de lecture qui se veut opérationnelle et directive mais qui tombe à plat.
Nous, médecins hospitaliers, avons sûrement un gros handicap : notre absence historique de rapport à l’argent. Mais sous l’effet des transformations introduites par la T2A [tarification à l’activité, NDLR], une responsabilisation du corps médical est à l’uvre. Ne pas la reconnaître et ne pas l’encourager est une faute.
Quelle preuve concrète de cette « reconnaissance » les pouvoirs publics pourraient-ils vous donner ?
Il faut abroger le décret sur la CME. Comment peut-on penser que la communauté médicale ne dispose pas d’un lieu pour s’exprimer sur « tous » les sujets dont les sujets économiques ? Comment penser qu’un quarteron de médecins va pouvoir, au travers d’un directoire magique, influencer les décisions d’un patron qui aura la haute main sur des milliers de situations et sur des dizaines de milliers de prises en charge ?
Autre exemple : des décrets devraient être publiés très prochainement concernant le statut des PH et des futurs cliniciens. Prenons ces cliniciens : si je prends ma casquette de co-rédacteur d’un rapport – négligé et oublié – sur le sujet, je ne peux que constater l’émergence d’un texte dont la médiocrité est sans pareille ! On invente le CDD comme outil d’attractivité.
À vous entendre, on a le sentiment qu’à bien des égards, la loi HPST est en train de rater son but à l’hôpital ?
Tout ce qui concerne la gouvernance des établissements est exécrable. En revanche, la logique territoriale et régionale, la promotion de la médecine générale sont de très bons concepts. Mais tout ceci va échouer à cause de cette lubie d’une gouvernance inefficace et qui force le trait par un volontarisme excessif. La communauté médicale doit retrouver sa légitimité. Il faut remettre sur pied un dispositif de bon sens, sur le mode de la gouvernance participative. Qu’ensuite, le patron décide est parfaitement normal. À condition, encore une fois, que la communauté médicale ait pu s’exprimer sur tous les sujets.
Les budgets vont bientôt être connus dans les hôpitaux. Est-ce une autre source d’inquiétude ?
Si piloter un hôpital, c’est gérer les dépenses et les tarifs, on se prépare à mettre les patients en danger. Je ne fais pas partie de ceux qui disent que le nombre d’emplois est immuable. Et je le pense d’autant moins pour la communauté médicale que la démographie professionnelle est en baisse. En revanche, un signal devrait être donné qui rendrait crédible une adaptation des emplois : les postes d’infirmiers ne doivent pas, globalement, être remis en cause. Sur ce chapitre, le sujet n’est pas celui des infirmières anesthésistes. Celles-ci sont, d’une certaine manière, l’« élite » de la profession, celles qui sont les mieux reconnues et valorisées – et c’est tant mieux, il est indispensable qu’elles continuent de l’être. Pour autant, la question, aujourd’hui, est celle des infirmières en général qui accèdent au niveau licence, une opération dont le coût financier, personne ne le dit, va être extrêmement important.
Des ONDAM (objectifs nationaux des dépenses d’assurance-maladie) de rigueur s’annoncent. L’hôpital peut-il y faire face ?
Mon organisation affirme depuis plusieurs années qu’il est possible de faire des économies à l’hôpital à condition de changer de paradigme. Si on laisse l’hôpital et la ville chacun avec, qui sa convention, qui sa maîtrise financière, il y aura des morts sur le terrain et quand je dis « des morts », je pense des patients. Si au contraire, on fait travailler tout le monde ensemble – et les ARS sont un outil pour cela –, alors il y a énormément de possibilités. Malheureusement, ce n’est pas le chemin qui est pris…
L’aménagement de la réforme des retraites des PH est en panne. La messe est-elle dite, les médecins doivent-ils faire une croix sur une partie de leurs pensions ?
Il y a eu un hold-up. La réforme de l’IRCANTEC a diminué très significativement les pensions produites – nous estimons la baisse autour de 18 %. Des mesures (à commencer par l’élargissement de l’assiette de cotisation à tous les revenus) sont absolument indispensables ; elles auraient dû être prises il y a 18 mois. Le dossier est enterré. C’est scandaleux et cela provoque une irritation bien compréhensible de l’ensemble de la communauté médicale. Cela ne peut pas durer.
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »