« Aujourd'hui, nous avons des données scientifiques solides pour affirmer que le fait de supprimer les horaires de visites et d'ouvrir les services de réanimation a des effets bénéfiques pour les patients, les proches, mais aussi les soignants », martèle le Pr Jean-Michel Constantin, anesthésiste-réanimateur et responsable de la réanimation au département de médecine péri-opératoire du CHU de Clermont-Ferrand.
Ce dernier soutient donc activement le programme « Ouvrir », lancé en janvier dernier lors du congrès de la Société française de réanimation de langue française (SRLF), en lien avec la Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR) et le Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques (GFRUP). « Ce projet vise à promouvoir l’ouverture des réanimations françaises 24 heures/24. On en est loin. Selon notre état des lieux, moins de la moitié des services en France a supprimé les horaires de visite. Il y a donc un gros travail de pédagogie à faire, en mettant en avant les bénéfices de l'ouverture », souligne le Pr Constantin.
Ce mouvement a démarré au début des années 2000. « Il est parti de nos collègues réanimateurs pédiatriques, et s'est ensuite appuyé sur le constat que "la réa" est quelque chose de très déstructurant et traumatisant pour les familles. Leur donner le sentiment qu'on veut leur cacher quelque chose peut générer du stress posttraumatique et un ressenti de mauvaise qualité », indique le Pr Constantin.
Pas plus d’infections, ni d’agitation
En France, l'ouverture, initiée par quelques établissements pionniers comme l'hôpital Saint-Joseph à Paris, le CHU de Clermont-Ferrand, a suscité des freins dans une bonne partie du monde de la réanimation. « Des barrières ont été mises en avant, notamment à propos des risques iatrogènes, avec la crainte que cela augmente le nombre d'infections nosocomiales ou majore l'agitation des patients. En fait, plusieurs études ont montré clairement que cela n'était pas le cas. Il n'y a pas plus d'infections rapportées dans un service ouvert que dans un service soumis à des horaires de visites. Et des études ont montré que le fait d'ouvrir avait même tendance à réduire les épisodes d'agitation, les troubles du rythme ou les accès hypertensifs des patients », explique le Pr Constantin.
Autre constat : le fait d'ouvrir ne conduit pas les familles à passer plus de temps dans les services. « C'est une autre barrière souvent mise en avant : les soignants craignent d'avoir les proches "dans les pattes" en permanence. Or les études montrent qu'ils ne viennent pas plus longtemps mais à des moments différents. Cela a aussi des effets positifs sur la vision des familles sur le travail des équipes. Quand on a des horaires de visites, on a tendance à ouvrir le service quand la charge en soins est la plus faible. Résultat, les familles viennent quand les infirmières sont en pause, et les médecins dans les bureaux… Elles ont l'impression qu'il ne se passe rien. Quand on ouvre, elles peuvent se rendre compte de l'importance des soins délivrés à leur proche et de la charge émotionnelle qui existe dans une réa. Cela leur permet d'avoir une vision plus juste de la réalité. Sinon, les familles se forgent souvent un avis en discutant avec d'autres dans la salle d'attente », souligne le Pr Constantin.
Une vision juste du travail réalisé
Ouvrir le service permet aussi de ne pas frustrer les familles quand il faut déplacer le patient pour un examen. « Il peut arriver qu'un patient soit emmené au scanner durant le temps des horaires des visites. C'est parfois difficile à supporter pour les proches qui ont le sentiment qu'on leur mange leur temps passé au proche. Quand on ouvre, ce genre d'événement est beaucoup mieux toléré par les familles, souligne le Pr Constantin. Certains proches tiennent aussi à pouvoir passer plusieurs fois dans la journée, même pour des temps courts. Dix minutes le matin avant d'aller au travail : cela a souvent un effet positif pour le patient… Et pour le proche qui, parfois, à cause des horaires de visites imposées, finit par arrêter de travailler et passer sa vie à l'hôpital, le plus souvent dans les couloirs, au self ou dans la salle d'attente ».
Pour le Pr Constantin, la meilleure approche pour les services réticents est de décider d'un moratoire en ouvrant pour une période de trois ou quatre mois, à l'essai. Avec la possibilité de revenir en arrière si cela n'est pas concluant… « Mais je ne connais pas de cas de services qui soient alors revenus aux horaires de visites », souligne le Pr Constantin.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Michel Constantin, anesthésiste-réanimateur et responsable de la réanimation au département de médecine péri-opératoire du CHU de Clermont-Ferrand
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