LE QUOTIDIEN – Vous montez au créneau pour défendre un autre système de tarification hospitalière que la T2A alors que celle-ci n’a pas encore fini de se mettre en place. Pourquoi ?
Dr JEAN-MARIE LE GUEN – Parce que je pense, pour faire simple, que, entre le budget global ou la tarification à l’activité [T2A], ce pays vit sur une fausse alternative. La T2A est aujourd’hui abandonnée dans des endroits où on l’a mise en uvre il y a quinze ans ; partout, même dans des pays où il n’y a qu’un secteur privé, on construit autre chose, une « tarification à la performance » que je préfère, moi, appeler « tarification à la qualité et à l’efficience » et que je vois comme un cocktail contenant à la fois des éléments de capitation, d’activité, de qualité des soins.
Votre solution va-t-elle jusqu’à des tarifs uniques pour les secteurs public et privé ?
C’est possible. Encore que je pense que cette question s’inscrit dans une fausse logique. Ce qui est vrai, c’est que la T2A s’applique très bien au privé, c’est-à-dire à des actes très isolés dans le parcours de soins et qui s’adressent à des patients « discriminés ». Je n’emploie pas cet adjectif pour dire qu’ils sont choisis mais pour souligner que c’est la nature de l’acte ou de la pathologie prise en charge qui les sélectionne. Dans ces cas précis, la T2A est parfaitement adaptée. Elle l’est beaucoup moins pour toutes les pathologies auxquelles, sous l’effet du vieillissement de la population, nous allons être confrontés. Des pathologies chroniques, où la technique est secondaire par rapport à l’acte clinique, à l’éducation du patient, au coaching…
Ceci étant, je pense que le modèle économique sur lequel doivent se construire les relations public-privé ne doit pas se baser sur la concurrence qui est un piège mortel avec des effets soit totalement inflationnistes pour l’assurance-maladie, soit totalement délétères pour le secteur public – dans les faits on peut même avoir les deux ! En matière de T2A, on a beau faire la V1, la V2, la V3… in fine, on ne parviendra jamais à recoller les morceaux du puzzle.
Un exemple ?
La prothèse de hanche. En France, on en fait 15 000 par an. Moi, ça ne me dérange pas qu’on décide dans ce cas précis d’une délégation de service public, comme on l’a fait pour la distribution de l’eau… Par ce biais, les acteurs privés vont se retrouver au cur de la philosophie de leur métier : mieux que d’autres, ils savent mettre en uvre une organisation industrialisée d’actes ponctuels réalisés en grandes séries. Il n’y a dans ce que j’énonce aucun reproche, aucune condamnation morale.
La nature du secteur public, c’est la complexité, la survenue aléatoire de troubles ; il sait faire face au non systématiquement prévisible, aux événements plus brutaux ; il est garant de la recherche, de la formation. Il ne peut faire cela avec une organisation industrielle. Prétendre le contraire est un faux-semblant, c’est tenir un discours économiquement faux sur la convergence tarifaire.
Que faut-il faire ?
Sortir de l’âge de pierre ! Sortir du schéma où les tenants du budget global sont regardés comme tout droit sortis du kolkhoze et les promoteurs de la T2A comme les apôtres de la modernité. La T2A est une tarification ringarde ! Elle ne favorise ni le bon usage ni la bonne qualité des soins. Avec elle, on aura toujours tendance à multiplier les prothèses de hanche ! Elle induit des distorsions à tous les niveaux, y compris d’indications thérapeutiques, et elle pousse à la sélection de créneaux plus valorisés que d’autres. Par de multiples biais, la T2A va casser l’approche des médecins du service public ; ils ne se retrouvent pas dans cette logique.
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